Le marché pour le renouvellement des avions de chasse de l’armée belge n’a visiblement pas livré tous ses secrets. Il tourne même au cauchemar pour le gouvernement de Charles Michel. Cette opération, qui devrait représenter un montant de 15 milliards d’euros (3,6 milliards pour l’achat des appareils, le reste pour leur entretien sur quatre décennies) avait déjà été entachée par le retrait mystérieux de deux constructeurs, l’américain Boeing et le suédois Gripen. S’y est ajoutée la démarche de Dassault, qui ne s’est pas engagé dans la procédure officielle d’appel d’offres afin de proposer un « partenariat étendu ». Cela a brouillé le jeu – que les autorités voulaient transparent – et crée in fine des tensions politiques et des suspicions. Mardi 20 mars, un nouvel élément troublant était évoqué par le quotidien De Standaard. Un rapport en possession de l’état-major de l’armée souligne que les 54 appareils F-16 américains de la défense belge pourraient très bien volersix années de plus, ce qui reporterait la date de leur renouvellement de 2023 à 2029. Jusqu’ici, le ministre (nationaliste) flamand Steven Vandeput, interrogé à plusieurs reprises par des parlementaires, avait assuré que la date butoir pour le renouvellement des chasseurs était obligatoirement 2023, aucune étude ne permettant, selon lui, d’affirmer que leur durée de vie pourrait être prolongée. Le ministre a-t-il menti ou était-il mal informé ? Quoi qu’il en soit, son ministère a bel et bien commandé un rapport, qui a été remis en avril 2017. Il indiquait qu’il était parfaitement possible, moyennant quelques aménagements, d’utiliser des appareils qui n’ont pas atteint la limite de durée de vol. Une deuxième étude confirmait ce diagnostic, en février. Paradoxe : ces rapports ont été rédigés par le constructeur américain Lockheed Martin, qui est le concurrent apparemment le mieux placé dans la course pour le remplacement des F-16 : son F-35 Lightning a les faveurs de l’état-major et, semble-t-il, du ministre. Même si ses coûts sont très élevés, si le contrôle de son système informatique par les Etats-Unis soulève des questions, et si la Belgique prône, comme d’autres pays, la nécessité d’une défense européenne. Le seul rival officiel du F-35 est le Typhoon, appareil issu d’un programme réunissant le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. Les Britanniques de BAE Systems promettent, en cas d’acquisition de leur appareil, 19 milliards d’euros de retombées et 6 000 emplois, ainsi que des centres de formation, d’innovation et de cybersécurité. Le groupement français d’intérêt économique Rafale – Dassault Aviation, avec Thales et Safran, évoque de son côté 5 000 emplois et 20 milliards d’euros, et mise sur la nécessité d’un choix européen. Embarrassé, tiraillé entre des positions flamandes favorables au F-35 et les élus qui, dans son parti – le Mouvement réformateur (libéral francophone) –, demandent une prise en compte de l’offre française, le premier ministre Charles Michel a commandé une analyse juridique pour déterminer si le projet du Rafale pouvait être accepté, même si Dassault n’a pas respecté la procédure d’appel d’offres.
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