
La mission OTV-7 du X-37B Space Force démontre des capacités orbitales avancées et un usage militaire stratégique des orbites hautement elliptiques.
Le X-37B, mini-navette spatiale expérimentale de la U.S. Space Force, a bouclé sa septième mission (OTV-7) après 434 jours en orbite. Cette mission marque une évolution technique majeure : première utilisation d’un lanceur Falcon Heavy, insertion dans une orbite hautement elliptique (HEO), manœuvres d’aérofreinage inédites, et tests technologiques sur la connaissance du domaine spatial. Le X-37B reste un véhicule expérimental, mais ses capacités démontrées posent des enjeux stratégiques face à l’émergence de technologies similaires développées, notamment, par la Chine. Malgré ces avancées, la Space Force ne prévoit pas d’acheter d’autres exemplaires, se concentrant sur la collecte de données et le développement futur d’une flotte plus adaptée aux besoins militaires réels.
L’orbite hautement elliptique : un choix stratégique et tactique
L’insertion du X-37B dans une orbite hautement elliptique (HEO) constitue l’une des principales innovations de la mission OTV-7. Contrairement aux missions précédentes, qui utilisaient principalement des orbites basses (LEO) ou moyennes (MEO), cette mission a permis à la navette d’atteindre des altitudes supérieures à 35 786 km, soit au-delà de la ceinture géostationnaire (GEO).
L’orbite elliptique permet un périgée plus proche de la Terre (quelques centaines de kilomètres) et un apogée très éloigné (parfois au-delà de 50 000 km). Cette trajectoire asymétrique rend les prévisions de positionnement difficiles pour les systèmes de surveillance étrangers. Cela donne au X-37B un avantage tactique majeur : il peut réapparaître de manière inattendue, modifiant sa trajectoire pour éviter la détection ou surprendre un objet orbital ciblé.
Les orbites HEO sont particulièrement utilisées dans les missions d’observation polaire, mais leur utilisation dans des manœuvres militaires permet d’optimiser le champ de surveillance et d’intervenir dans plusieurs zones orbitales sans dépenser trop de carburant. À l’heure actuelle, très peu de véhicules militaires disposent de telles capacités.
D’un point de vue technique, ces orbites nécessitent des systèmes de contrôle d’attitude et de propulsion extrêmement précis, car le changement de vitesse est critique lors du passage au périgée. Ce type de trajectoire oblige également à optimiser la protection thermique, car les contraintes au passage dans les couches denses de l’atmosphère sont accrues.
Cette maîtrise illustre l’orientation croissante des États-Unis vers une militarisation discrète de l’espace extra-atmosphérique, notamment en réponse au développement du programme chinois Shenlong, un équivalent du X-37B.

L’aérofreinage : une innovation tactique à faible coût énergétique
L’aérofreinage, utilisé pour la première fois par le X-37B lors de la mission OTV-7, représente une avancée significative. Cette technique permet de modifier l’orbite d’un engin spatial sans recourir à une propulsion chimique importante, en utilisant la traînée atmosphérique comme levier orbital.
Techniquement, cette manœuvre consiste à plonger volontairement dans les couches supérieures de l’atmosphère sur plusieurs orbites, en profitant du frottement pour ralentir progressivement l’appareil. Ce mécanisme, s’il est bien contrôlé, permet de réduire l’altitude de manière fine, tout en conservant du carburant pour d’éventuelles manœuvres ultérieures.
Dans le cas du X-37B, l’aérofreinage a été utilisé pour :
- Rentrer progressivement dans une orbite basse (LEO).
- Détacher le module de service à une altitude contrôlée.
- Tester les performances du Space Surveillance Network (SSN) dans le suivi d’objets à trajectoire variable.
Cette capacité tactique offre des avantages en matière de furtivité orbitale. Un engin capable de modifier sa trajectoire sans propulsion visible complique la tâche des systèmes de suivi radar adverses. Cela a également des conséquences sur la planification stratégique des missions ISR (Intelligence, Surveillance, Reconnaissance), puisque l’engin peut s’adapter dynamiquement à sa cible ou à sa zone d’intérêt.
À noter qu’un tel système peut inspirer la construction de futurs véhicules orbitaux multi-régimes, capables d’adapter leur orbite à volonté en fonction des impératifs militaires.
La surveillance du domaine spatial : un enjeu militaire croissant
La mission OTV-7 a également été l’occasion de tester des technologies de connaissance du domaine spatial (SDA – Space Domain Awareness). Ces dispositifs visent à mieux comprendre, cartographier et surveiller les objets actifs ou inactifs en orbite, afin de garantir la liberté d’action stratégique dans un environnement orbital de plus en plus dense.
Les États-Unis exploitent déjà un réseau complexe de surveillance spatiale, composé de capteurs au sol (radars, optiques) et d’observateurs en orbite géostationnaire (programme GSSAP). Le X-37B sert ici de vecteur expérimental pour ces technologies. Il est en mesure :
- D’identifier les signatures électromagnétiques d’objets étrangers.
- De s’approcher furtivement de satellites étrangers pour en analyser les capacités.
- De servir de plateforme de test pour capteurs passifs et actifs.
La capacité de contrôle du domaine spatial est un enjeu majeur. En 2023, plus de 10 000 objets actifs étaient recensés par le SSN. La multiplication des satellites, notamment commerciaux (Starlink, OneWeb), crée un environnement orbital congestionné, rendant la surveillance plus complexe.
Dans ce contexte, la possibilité de détecter un changement d’orbite, une séparation de charges utiles, ou une activité suspecte devient essentielle pour anticiper des actes potentiellement hostiles. Le rôle du X-37B, même expérimental, est donc stratégique dans l’entraînement et le calibrage des futures doctrines d’engagement orbital.

Un outil stratégique limité par son statut expérimental
Malgré ses performances, le X-37B reste un prototype militaire. Il n’est pas destiné à devenir une plateforme opérationnelle permanente, selon les déclarations officielles de la Space Force. La flotte est limitée à deux exemplaires, et aucune commande supplémentaire n’est envisagée pour le moment.
Plusieurs raisons techniques et économiques expliquent cette décision :
- Le coût estimé du développement et des missions dépasse 1 milliard d’euros.
- Les dimensions de la soute (2,1 m de long, 1,2 m de large) limitent les charges utiles.
- Le système reste difficilement réutilisable à grande échelle, avec des phases de maintenance longues après chaque mission.
À moyen terme, les enseignements issus du X-37B seront sans doute intégrés dans des véhicules plus modulaires et performants, conçus dès l’origine pour des usages offensifs ou défensifs. Par ailleurs, la concurrence technologique avec la Chine et la Russie pousse à reconsidérer le rôle du spatial dans la supériorité militaire.
Le maintien d’une flotte expérimentale permet aussi d’anticiper l’usage de ces technologies par des puissances concurrentes. En ce sens, le X-37B sert autant à tester des capacités qu’à étudier les contre-mesures nécessaires face à des véhicules similaires ennemis.
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