Oman et les Houthis: des alliances ambigües et pressions américaines

Oman et les Houthis: des alliances ambigües et pressions américaines

Oman protège les Houthis tout en profitant de l’alliance américaine. Analyse des implications géopolitiques et économiques.

Le Sultanat d’Oman abrite des responsables du groupe armé Houthi, reconnu comme organisation terroriste par les États-Unis. Ce groupe, soutenu par l’Iran, cible les navires en mer Rouge et menace la stabilité régionale. Muscat, tout en recevant des aides militaires américaines, facilite l’activité du groupe par des corridors logistiques et financiers. Les États-Unis tolèrent cette ambiguïté depuis des années. Mais face à la montée des tensions au Moyen-Orient, la pression croît pour que Washington impose des sanctions ciblées contre les soutiens omanais aux Houthis. Cette situation met en lumière les contradictions de la diplomatie américaine et les fragilités du système sécuritaire régional.

Oman, refuge diplomatique pour les Houthis : enjeux géopolitiques

Depuis plusieurs années, Oman héberge les représentants politiques des Houthis, notamment Mohammed Abdul Salam, chef des négociations du mouvement. Ces représentants circulent librement à Muscat, sous protection de l’État. Officiellement, Oman justifie cette présence par son rôle de médiateur régional. Or, aucune avancée concrète n’a été constatée dans les pourparlers de paix au Yémen via ce canal.

Les Houthis ne sont pas un acteur marginal. Ils détiennent un arsenal de missiles balistiques et de drones, fournis et encadrés par l’Iran. Ils ont visé des bâtiments américains et israéliens dans le contexte des tensions régionales, notamment en 2021 et 2024. Cette posture offensive dément toute volonté de négociation réelle.

Oman bénéficie d’une position stratégique au carrefour du Golfe d’Aden et du détroit d’Ormuz, mais cette diplomatie duale fragilise sa crédibilité. Alors que le Sultanat participe aux initiatives diplomatiques des États-Unis, il continue d’accueillir une structure politique hostile à ses partenaires.

Par comparaison, d’autres pays du Golfe comme les Émirats arabes unis ou le Koweït refusent d’offrir un tel refuge à des groupes paramilitaires. L’ambiguïté omanaise entretient un climat d’instabilité sécuritaire dans la région. Cela génère une tolérance politique qui favorise l’extension des réseaux iraniens dans la péninsule arabique.

Oman et les Houthis: des alliances ambigües et pressions américaines

Commerce d’armes, accords militaires et dépendance sécuritaire

Oman perçoit des livraisons d’armement massif en provenance des États-Unis. En 2022, le volume cumulé des ventes militaires américaines au Sultanat s’élevait à 3,5 milliards USD, soit environ 3,2 milliards d’euros. Ces ventes incluent des avions de surveillance, de l’électronique militaire, des munitions et des systèmes radar. De 2016 à 2022, 613 millions USD (560 millions d’euros) d’équipements ont été exportés via des Direct Commercial Sales (DCS).

En contrepartie, le Sultanat garantit un accès stratégique à ses ports et à ses aéroports pour les opérations militaires américaines. Toutefois, cette coopération logistique ne s’accompagne d’aucune contrainte politique sur les choix de Muscat concernant les Houthis.

Le paradoxe est visible : les États-Unis financent indirectement un pays qui héberge des agents d’une entité terroriste désignée par Washington lui-même. Cette contradiction affaiblit la lisibilité de la diplomatie américaine dans la région. Elle envoie également un signal négatif à ses alliés traditionnels.

L’analyse des flux d’armements montre que les États-Unis exportent chaque année en moyenne pour 450 à 600 millions USD vers Oman, ce qui représente environ 1,6 % de leurs ventes militaires totales au Moyen-Orient. Le poids économique de ces ventes ne justifie pas une politique de complaisance durable.

Le corridor logistique et financier omanais au service des Houthis

Depuis 2015, des enquêtes onusiennes et des saisies douanières au Yémen attestent de l’utilisation du territoire omanais pour le transit d’armes et de biens sensibles. En 2017, des UAVs iraniens sont entrés au Yémen via Oman. En 2018, des missiles Burkan-2H, de portée estimée à 800 km, ont franchi les frontières par voie terrestre. Plus récemment, en 2023, des saisies au poste frontalier de Sarfayt ont mis la main sur des équipements de guerre électronique et de soutien aux drones.

Oman constitue également une plateforme bancaire de soutien indirect aux Houthis. Les institutions financières du pays opèrent dans le système financier international, notamment via des correspondants bancaires libellés en dollars. Ce système permet à des figures houthis à Muscat de transférer des fonds, sans blocage majeur, y compris en devises étrangères.

Les États-Unis, en sanctionnant partiellement le Hezbollah ou les Gardiens de la Révolution iranienne, ont pourtant laissé ce canal omanais largement intact. Cela démontre une faille réglementaire structurelle dans le dispositif de lutte contre le financement du terrorisme.

L’ampleur de ces circuits reste difficile à quantifier, mais plusieurs analystes estiment que plus de 150 millions USD par an transitent via des vecteurs omanais vers le nord du Yémen, incluant or, numéraire et composants militaires. Ces chiffres dépassent les aides officielles versées à la reconstruction du Yémen par certains pays européens.

Les conséquences sécuritaires et commerciales du soutien omanais aux Houthis

Les attaques répétées des Houthis en mer Rouge ont des répercussions immédiates sur le commerce maritime international. Le corridor de Bab el-Mandeb, qui représente 12 % du commerce maritime mondial, voit son trafic diminuer drastiquement depuis fin 2023. Les compagnies Maersk, MSC, CMA CGM et Hapag-Lloyd ont dérouté leurs navires, préférant contourner l’Afrique via le Cap de Bonne-Espérance. Cela rallonge de 12 à 15 jours le temps de transit et augmente de 20 à 30 % les coûts logistiques globaux.

En janvier 2024, les attaques houthis ont fait chuter de 40 % le passage hebdomadaire de navires dans cette zone, selon Lloyd’s List Intelligence. Le prix du fret conteneurisé entre l’Asie et l’Europe a bondi de plus de 80 % en deux mois, provoquant une augmentation générale des prix à la consommation.

La responsabilité d’Oman dans cet effet domino est donc indirecte mais réelle. En tolérant la présence de relais opérationnels houthis sur son sol, le Sultanat participe à un environnement régional conflictuel dont les conséquences économiques se diffusent jusqu’aux ports européens.

Cette situation illustre également la faiblesse des mécanismes de dissuasion américaine face aux États dits partenaires mais politiquement ambigus. Sans action coercitive, les corridors logistiques continueront d’alimenter des groupes armés dans un climat d’impunité.

Oman et les Houthis: des alliances ambigües et pressions américaines

Quelles réponses stratégiques pour les États-Unis ?

La désignation des Houthis comme organisation terroriste étrangère (FTO) par l’administration Trump offre une base juridique pour sanctionner les individus et structures omanaises impliqués dans leur soutien. L’imposition de sanctions ciblées sur des banques, des sociétés de transport ou des personnalités liées au réseau Houthi à Muscat permettrait de créer un levier diplomatique tangible.

Les experts recommandent également de revoir les accords de défense avec Oman, en conditionnant les livraisons d’armes à une coopération effective contre les activités Houthies. La suspension partielle des ventes militaires ou la mise en place de clauses restrictives pourrait rééquilibrer les rapports de force.

Il est aussi envisageable de multilatéraliser la pression diplomatique, en impliquant des partenaires comme l’Union européenne ou l’Australie dans des mesures coordonnées. Ce cadre permettrait d’éviter un isolement diplomatique de Washington tout en renforçant la crédibilité du dispositif antiterroriste.

Enfin, une rupture totale des relations stratégiques avec Oman serait une mesure radicale, mais elle ne peut être écartée si le double-jeu de Muscat persiste. Les coûts sécuritaires, logistiques et politiques du soutien indirect aux Houthis sont désormais trop importants pour rester ignorés.

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