Le constructeur Boeing annonce des pertes de 1,7 milliard d’euros dans sa division défense au troisième trimestre, entraînant une réduction de 10 % de ses effectifs.
Le géant de l’aéronautique Boeing a annoncé une perte de 1,7 milliard d’euros (2 milliards de dollars) dans sa division Défense, Espace et Sécurité (BDS) pour le troisième trimestre. Ces pertes sont principalement dues à des dépassements de coûts sur plusieurs contrats à prix fixe, notamment les programmes T-7A, MQ-25, KC-46 et le vaisseau spatial Starliner de la NASA. En conséquence, Boeing prévoit de supprimer 10 % de ses effectifs, affectant des milliers d’employés, y compris des cadres. Cette situation soulève des questions sur la gestion des programmes de défense de Boeing et a des implications majeures pour l’industrie aérospatiale.
Pertes financières importantes sur les programmes de défense
Boeing a révélé que sa division défense a subi des pertes de 1,7 milliard d’euros au troisième trimestre, principalement en raison de dépassements de coûts sur des contrats à prix fixe. Un contrat à prix fixe signifie que le fournisseur assume tous les risques financiers liés aux dépassements de coûts, ce qui peut entraîner des pertes significatives si les coûts réels dépassent les estimations initiales.
Le programme T-7A, un avion d’entraînement pour l’US Air Force, a enregistré une charge de 765 millions d’euros (900 millions de dollars). Ces coûts supplémentaires sont attribués à des estimations plus élevées pour la production à partir de 2026, influencées par des problèmes de chaîne d’approvisionnement et l’augmentation des coûts des matériaux. Par exemple, le prix de l’aluminium a connu une hausse de 25 % au cours des deux dernières années, impactant les coûts de fabrication.
Le KC-46, un avion ravitailleur basé sur le Boeing 767, a subi une perte de 595 millions d’euros (700 millions de dollars). Cette perte est en partie due à la décision de Boeing de mettre fin à la production du 767 Freighter, ce qui affecte les économies d’échelle pour le KC-46. De plus, la grève du syndicat des machinistes à Seattle a interrompu la production, augmentant les coûts opérationnels et retardant les délais de livraison.
Les programmes MQ-25 (drone ravitailleur pour la marine américaine) et Starliner (vaisseau spatial pour la NASA) ont également contribué aux pertes, bien que Boeing n’ait pas fourni de chiffres précis. Ces dépassements de coûts affectent la rentabilité globale de la division défense, mettant en évidence des défis dans la gestion de projets complexes.
Impact sur les effectifs et restructuration
En réponse à ces pertes financières, Boeing a annoncé une réduction de 10 % de ses effectifs, ce qui équivaut à environ 14 000 employés sur les 140 000 que compte l’entreprise. Cette réduction affectera tous les niveaux, y compris les cadres, les managers et les employés opérationnels. Par exemple, des postes dans les usines de Seattle et de St. Louis pourraient être touchés.
Le PDG, Kelly Ortberg, a souligné que cette mesure est nécessaire pour améliorer la rentabilité et l’efficacité de la division défense. Il a également indiqué qu’il exercerait une surveillance accrue des programmes et des contrats à prix fixe pour éviter de futurs dépassements de coûts. Cette restructuration vise à aligner les ressources de l’entreprise avec les conditions du marché et les objectifs stratégiques.
Cette réduction d’effectifs intervient dans un contexte de tensions avec le syndicat des machinistes, dont la grève a perturbé la production. Les conséquences sociales sont significatives, non seulement pour les employés concernés mais aussi pour les communautés locales où Boeing est un employeur majeur. Des mesures d’accompagnement, telles que des indemnités de licenciement et des programmes de reconversion professionnelle, pourraient être mises en place pour atténuer l’impact.
Programmes affectés : T-7A, MQ-25, KC-46 et Starliner
Le programme T-7A est un avion d’entraînement avancé destiné à remplacer les anciens T-38 Talon de l’US Air Force. Le contrat initial, signé en 2018, était estimé à 7,9 milliards d’euros (9,2 milliards de dollars) pour la livraison de 351 avions et 46 simulateurs. Les dépassements de coûts actuels pourraient affecter le calendrier de livraison, initialement prévu pour 2023, et la rentabilité du programme.
Le MQ-25 Stingray est un drone ravitailleur destiné à opérer à partir des porte-avions de la marine américaine. Ce programme, évalué à 11 milliards d’euros (13 milliards de dollars), est crucial pour étendre le rayon d’action des avions embarqués. Les défis techniques, tels que l’intégration de systèmes autonomes, ont entraîné des coûts supplémentaires et des retards.
Le KC-46 Pegasus est un avion ravitailleur multirôle basé sur le Boeing 767. Malgré des problèmes techniques antérieurs, comme des défaillances du système de vision à distance utilisé pour le ravitaillement en vol, le KC-46 est en production depuis plusieurs années. La fin de la production du 767 Freighter affecte directement le coût de fabrication du KC-46, car les deux avions partagent des lignes de production et des composants clés.
Le Starliner est un vaisseau spatial conçu pour transporter des astronautes vers la Station spatiale internationale dans le cadre du programme Commercial Crew de la NASA. Après plusieurs retards et anomalies lors des tests, y compris un vol d’essai non réussi en décembre 2019, le programme a accumulé des coûts supplémentaires importants. La concurrence avec le Crew Dragon de SpaceX, qui a déjà effectué plusieurs missions habitées, ajoute une pression supplémentaire sur Boeing pour respecter les échéances.
Conséquences sur l’industrie aérospatiale et la défense
Les pertes financières de Boeing ont des implications pour l’industrie aérospatiale et le secteur de la défense. En tant que l’un des principaux constructeurs aéronautiques mondiaux, les difficultés de Boeing peuvent affecter la chaîne d’approvisionnement et les sous-traitants. Par exemple, des entreprises fournissant des composants spécifiques pour le T-7A ou le KC-46 pourraient voir leurs commandes diminuer, impactant leur propre activité.
Les dépassements de coûts sur des contrats à prix fixe pourraient également conduire le Pentagone à reconsidérer la manière dont il attribue les contrats, en favorisant des modèles qui partagent les risques entre le gouvernement et les fournisseurs. Cela pourrait avoir un impact sur la compétitivité de Boeing face à des concurrents comme Lockheed Martin ou Northrop Grumman.
Les investisseurs surveillent la situation de près. La valeur des actions de Boeing a déjà connu des fluctuations, passant de 440 euros par action en 2019 à environ 185 euros en 2023. Ces pertes pourraient influencer la capitalisation boursière de l’entreprise et sa capacité à investir dans de nouveaux projets.
Perspectives futures pour Boeing
Pour surmonter ces défis, Boeing devra mettre en place des mesures stratégiques visant à améliorer l’efficacité opérationnelle et la gestion de ses programmes. Le renforcement de la supervision des projets, comme annoncé par Kelly Ortberg, est une étape essentielle. La nomination d’un nouveau dirigeant pour la division défense, après le départ de Ted Colbert, sera également cruciale pour redresser la situation.
Boeing pourrait envisager de réviser ses stratégies contractuelles, en évitant les contrats à prix fixe pour des programmes complexes et en négociant des termes plus flexibles. L’entreprise devra également investir dans l’innovation pour rester compétitive face à des concurrents qui avancent rapidement dans des domaines tels que les technologies autonomes et les systèmes spatiaux.
Enfin, la reconquête de la confiance des clients et des investisseurs sera un élément clé. Cela pourrait passer par une communication transparente sur les défis et les solutions envisagées, ainsi que par la démonstration d’une exécution efficace des programmes en cours.