Non seulement l’Union soviétique a comblé très rapidement le fossé technologique qui, pendant toute la guerre, l’avait séparée des autres puissances les plus importantes, mais elle réussit également à se doter en secret et en très peu de temps d’appareils semblables sinon supérieurs à ceux du bloc des pays occidentaux. Si elle a pu obtenir ces résultats exceptionnels, c’est grâce d’une part à l’immense effort d’organisation et de production de la phase finale du conflit, et d’autre part au fait qu’elle a pu s’approprier beaucoup de matériel et de nombreux documents techniques provenant des centres d’études des usines aéronautiques allemandes les plus modernes. Il faut ajouter à cela un autre élément bien précis qui, aujourd’hui encore, fait couler beaucoup d’encre et anime de nombreuses discussions entre les politologues et les historiens : la Grande-Bretagne lui a fourni en effet certains modèles et certains plans de production du moteur à réaction le plus élaboré du moment en Occident, le Rolls-Royce Nene. Grâce à ce don technologique inattendu, les techniciens soviétiques ont pu partir sur le même pied que les Occidentaux et ont fait, en très peu de temps, des pas de géant. Le MUG-9 et le Yak-l5 ont été les premiers avions de combat à réaction qui aient volé : ils furent tous deux équipés de moteurs d’origine allemande. La première approche d’Alexandre Sergheïevitch Yakovlev vers un nouveau type de propulsion s’est concrétisée par le Yak-15. Le projet fut mis en oeuvre en 1945, tout de suite après l’arrivée en Union soviétique de certains turboréacteurs réquisitionnés en Allemagne. Le choix du moteur se porta sur le Junkers Jumo OO4B de 900 kg de poussée, et, pour accélérer le plus possible la production, on décida d’utiliser au maximum le projet du chasseur à hélice Yak-3. Le 24 avril 1946, les essais du prototype furent concluants. La production se poursuivit pendant deux ans, et l’O.T.A.N. donna aux 400 appareils le nom de code FEATHER. Le MiG-9 représenta également la première tentative d’Artem Mikoyan et de Mikhaïl Gourévitch visant à l’élaboration d’un avion à réaction. Le prototype vola le jour même où le Yak-15 reçut son baptême de l’air; il était équipé de deux moteurs B.M.W.003A de 800 kg de poussée chacun. La mise au point de l’avion fut retardée par une série de problèmes de structure et la production ne put commencer qu’en 1946. Il sortit 500 appareils des usines au cours des deux années qui suivirent, parmi lesquels figurent : le MiG-9 UTI pour l’instruction; le MiG-9F, doté d’un moteur plus puissant; le MiG-9FR, pourvu d’une cabine pressurisée. L’O.T.A.N. attribua au MiG-9 le nom de code FARGO.
L’expérience acquise avec le Yak-15 permit de réaliser en 1947 le Yak-17, autre chasseur appartenant à cette première génération. Son train subit des modifications, la structure fut améliorée et l’on donna plus de puissance au moteur. Jusqu’en août 1949, la production se chiffra au total à 700 avions pour les versions de chasse et d’instruction (Yak-17 UTI). Le Yak-17 fut aussi utilisé en Pologne et en Tchécoslovaquie. L’O.T.A.N. attribua au Yak-17 le même nom de code qu’au Yak-15 : FEATHER.
Le premier chasseur de la deuxième génération, le célèbre MiG-15, fut réalisé en quelques mois, période nécessaire à l’industrie soviétique pour mettre en route la construction sous licence du turboréacteur Rolls-Royce Nene. Le projet, lancé vers la fin de 1945, n’avait pratiquement pas progressé, car les techniciens soviétiques ne disposaient pas d’un propulseur adéquat : l’accord commercial avec la Grande-Bretagne vint à point nommé. Le premier prototype vola le 30 décembre 1947 et la production en série put commencer sitôt le cycle des premiers essais terminé; plus de 8000 appareils furent construits en cinq ans sans compter les versions fabriquées en Pologne, en Tchécoslovaquie et en Chine populaire. Mis en service à partir de la fin de 1948, le MiG-15 fit en 1950 ses débuts opérationnels en Corée, où le chasseur soviétique démontra amplement sa supériorité sur les avions de combat américains de l’époque. Les versions principales du MiG-15 (en service jusqu’à 1965 environ) furent : le MiG-15SD, équipé d’un moteur plus puissant; le MiG-15 UTI, pour l’instruction; le MiG-15SB, chasseur tous temps. L’O.T.A.N. donna au MiG-15 le nom de code FAGÔT. Moins connu et moins performant, bien que datant de la même époque que le MiG-15, un nouvel avion de Yakovlev, le Yak-23, s’inspirait des deux modèles précédents. Son prototype fut prêt en 1947 et ce furent surtout les forces aériennes des pays du bloc de l’Est qui utilisèrent ce chasseur (FLORA en code) entre 1950 et 1960. C’était la première fois qu’un chasseur soviétique était équipé d’un siège éjectable pour le pilote.