L’Ukraine demande à intensifier ses frappes sur la Russie en utilisant des armes longue portée fournies par les États-Unis. Analyse des enjeux stratégiques.
L’Ukraine cherche à renforcer sa capacité à frapper des cibles situées profondément en Russie pour désorganiser les infrastructures militaires et affaiblir l’armée russe. Malgré le soutien des États-Unis, notamment avec la fourniture de bombes JSOW, l’Ukraine souhaite obtenir des missiles ATACMS, capables de frapper à plus de 300 km de distance. Cependant, cette décision implique des risques politiques et militaires, notamment les menaces nucléaires russes et la possibilité que des missiles manquent leur cible. L’innovation technologique des drones ukrainiens a déjà permis des frappes audacieuses, mais des capacités de frappe plus puissantes restent essentielles pour compenser le déficit en armement.
L’importance des frappes longue portée pour l’Ukraine
Depuis le début du conflit en 2022, l’Ukraine a démontré une résilience et une capacité d’adaptation impressionnantes. Cependant, pour contenir l’armée russe et riposter de manière efficace, Kiev a besoin de capacités de frappes à longue portée. Actuellement, l’Ukraine utilise des drones pour perturber les infrastructures russes dans le sud et l’ouest du pays, mais cela ne suffit pas à assurer une pression constante et significative. C’est pourquoi le président ukrainien, Volodymyr Zelenskyy, lors de sa visite à la Maison-Blanche en septembre 2023, a plaidé pour la fourniture de missiles à longue portée tels que les ATACMS.
Les missiles ATACMS (Army Tactical Missile System), fabriqués aux États-Unis, sont capables de frapper des cibles situées jusqu’à 300 km de distance, ce qui permettrait à l’Ukraine de cibler des positions stratégiques au cœur de la Russie, là où ses drones ne peuvent pas intervenir. Bien que les États-Unis aient promis de fournir des bombes JSOW à courte portée, capables d’atteindre des cibles à environ 100 km, cela reste insuffisant pour compenser les déséquilibres militaires. Pour l’instant, Washington reste prudent quant à l’octroi des ATACMS, car ces missiles pourraient entraîner une escalade significative du conflit.
Pour illustrer l’importance de ces frappes à longue portée, la destruction d’un dépôt d’armes dans la région de Tver, à 480 km de l’Ukraine, a été l’une des frappes les plus réussies de Kiev, bien que réalisée avec des drones. Les ATACMS permettraient à l’Ukraine de réaliser ce type d’opérations de manière plus systématique, en frappant des cibles mobiles ou difficilement accessibles.
Les risques politiques et militaires d’une escalade nucléaire
Les demandes répétées de Kiev pour obtenir des missiles à longue portée suscitent des inquiétudes non seulement chez les alliés occidentaux, mais aussi chez Vladimir Poutine, qui a déjà menacé d’une réponse nucléaire en cas d’attaque contre la Russie. Cette rhétorique est familière du Kremlin, mais elle n’est pas à prendre à la légère. Le 25 septembre 2023, le président russe a mis en garde contre une “réaction nucléaire” si un État soutenu par une puissance nucléaire attaquait la Russie. Cette déclaration visait explicitement les États-Unis, qui ont déjà fourni des armes lourdes à l’Ukraine.
Bien que la probabilité d’une réponse nucléaire soit faible, les risques existent. Les analystes militaires soulignent que la doctrine russe repose moins sur la capacité de mener une guerre nucléaire, mais davantage sur l’utilisation de menaces pour dissuader les puissances occidentales. De plus, la Chine et l’Inde, par l’intermédiaire de leurs dirigeants Xi Jinping et Narendra Modi, ont déjà exhorté Poutine à éviter toute escalade nucléaire. Ces pressions internationales rendent peu probable l’utilisation d’armes nucléaires par la Russie.
Par ailleurs, l’utilisation de missiles américains de pointe comme le JASSM (Joint Air-to-Surface Standoff Missile) pose un autre problème : en cas d’échec ou de mauvaise destruction de l’armement, la Russie ou la Chine pourraient récupérer des débris et analyser la technologie furtive utilisée, compromettant ainsi des informations sensibles sur les capacités militaires occidentales. Cela soulève des interrogations quant aux avantages réels d’une telle aide.
Les innovations technologiques de l’Ukraine : drones et missiles
L’un des points forts de l’armée ukrainienne dans ce conflit est son capacité d’innovation technologique. Grâce à ses drones, l’Ukraine a pu mener des frappes audacieuses et spectaculaires, souvent en dépassant les capacités attendues pour une armée sous pression. L’utilisation de plus de 100 drones lors de l’attaque dans la région de Tver en septembre 2023 en est un exemple frappant. Les drones ukrainiens sont capables de survoler des centaines de kilomètres, contournant parfois les défenses aériennes russes.
Le président Zelenskyy a également annoncé le déploiement du missile-drone Palianytsia, une innovation de l’industrie militaire ukrainienne, capable de frapper des cibles avec une vitesse et une précision accrues. Bien que ces innovations aient surpris de nombreux observateurs militaires, elles ne suffisent pas à compenser le manque de missiles longue portée comme les ATACMS.
L’innovation technologique ukrainienne a permis d’infliger des dégâts significatifs aux infrastructures russes, notamment en détruisant une partie de la flotte de la mer Noire et en frappant des dépôts d’armes dans les territoires occupés. Cependant, les missiles ATACMS, avec leur portée de 300 km et leur capacité à frapper des cibles mobiles, offriraient à l’Ukraine un avantage décisif. En complément des drones, ces armes pourraient affaiblir davantage les forces russes en perturbant leurs lignes de ravitaillement et en ciblant des infrastructures critiques.
Le soutien occidental : opportunités et défis
Le soutien de l’Occident, notamment des États-Unis, reste essentiel pour permettre à l’Ukraine de poursuivre ses frappes en territoire russe. Cependant, ce soutien est limité. Si le Congrès américain et certains membres du Parlement européen sont favorables à l’octroi de missiles longue portée, d’autres craignent une escalade incontrôlable du conflit. Les débats au sein de l’OTAN et des institutions européennes montrent qu’il y a encore des réserves politiques concernant l’engagement militaire direct de l’Occident.
En juin 2023, les États-Unis ont permis à l’Ukraine de frapper certaines cibles en Russie avec les ATACMS, mais uniquement dans le cadre de la défense contre les forces russes engagées dans des attaques. Cela a permis à Kiev de frapper des infrastructures militaires en Crimée et dans d’autres zones occupées. Malgré cela, Washington reste hésitant à fournir des missiles supplémentaires, surtout pour des frappes en Russie continentale.
En parallèle, la fourniture de missiles AMRAAM pour équiper les F-16 ukrainiens promet de renforcer les capacités de défense aérienne de Kiev. Ces missiles, qui peuvent intercepter des avions avant qu’ils ne larguent leurs bombes, sont une aide précieuse, mais ils ne remplaceront pas la capacité de frappe à longue portée dont l’Ukraine a besoin pour affaiblir les positions russes.