SpaceX domine le marché spatial militaire face à Boeing et Lockheed

SpaceX domine le marché spatial militaire face à Boeing et Lockheed

SpaceX capte la majorité des contrats de lancement militaire NSSL-3, creusant l’écart avec Boeing et Lockheed Martin en 2027-2032.

La Space Force américaine vient d’attribuer 13,7 milliards d’euros de contrats pour la Phase 3 du programme National Security Space Launch (NSSL-3) couvrant la période 2027-2032. SpaceX obtient 43 % de ces contrats, dépassant pour la première fois United Launch Alliance (ULA), consortium de Boeing et Lockheed Martin. Blue Origin fait une percée significative avec 18 % des fonds, tandis que ULA recule à moins de 40 %. Cette redistribution fragilise les anciens leaders industriels et ouvre la porte à de nouveaux concurrents comme Rocket Lab et Stoke Space. L’équilibre du marché spatial militaire américain bascule nettement en faveur de SpaceX.

La Space Force redéfinit l’attribution de ses lancements militaires

Le programme National Security Space Launch Phase 3 (NSSL-3) représente une réorganisation majeure des contrats de lancement militaire américain. De 2027 à 2032, la Space Force prévoit 84 lancements contre seulement 25 missions prévues initialement lors de la Phase 2 (2022-2027). Cette expansion s’accompagne d’un doublement du budget, passant de 5,5 milliards à 13,7 milliards d’euros.

Ce volume traduit une intensification des besoins de satellites militaires, liée à l’augmentation des menaces spatiales. En 2024, plus de 8 000 satellites étaient actifs en orbite terrestre, dont environ 25 % dédiés à la défense (source : UCS Satellite Database). La montée en puissance de concurrents comme la Chine et la Russie impose à Washington de garantir une capacité de réponse rapide et résiliente.

Chaque lancement est évalué autour de 163 millions d’euros en moyenne dans NSSL-3, contre 220 millions d’euros dans NSSL-2. Cette baisse unitaire montre une meilleure efficience industrielle malgré l’augmentation globale des dépenses.

SpaceX devient le principal fournisseur de la Space Force

Pour la première fois, SpaceX obtient une part majoritaire des fonds alloués dans NSSL-3 : 5,9 milliards d’euros, soit 43 % du total. À titre de comparaison, sa part n’était que de 40 % en NSSL-2. Le contrat inclut des prestations au-delà du lancement classique : support de flotte, études spécifiques, mission unique, accélération de mission.

SpaceX, avec ses lanceurs Falcon 9 et Falcon Heavy, a su démontrer une fiabilité exceptionnelle. Selon Space Launch Report, le taux de succès cumulé de Falcon 9 dépasse 98,7 % en avril 2025, un chiffre difficile à égaler pour ses concurrents. L’utilisation intensive de la réutilisation des lanceurs contribue à réduire significativement les coûts, renforçant l’attractivité de SpaceX pour des contrats institutionnels.

Autre facteur clé : SpaceX dispose de plusieurs sites de lancement opérationnels sur les côtes Est et Ouest américaines, augmentant sa flexibilité et sa capacité d’adaptation rapide aux besoins militaires.

SpaceX domine le marché spatial militaire face à Boeing et Lockheed

ULA en recul face à des défis industriels

Le United Launch Alliance (ULA), détenu par Boeing et Lockheed Martin, subit une baisse de sa part de marché, avec 5,6 milliards d’euros sur NSSL-3, soit moins de 40 %.

Les retards dans la mise en service du nouveau lanceur Vulcan Centaur expliquent en partie ce recul. Bien que Vulcan ait effectué son premier vol réussi en janvier 2024, son processus de certification militaire a pris plusieurs mois supplémentaires. Ce délai a poussé la Space Force à réallouer plusieurs missions initialement prévues pour ULA à SpaceX.

Les problèmes logistiques sont également un frein. L’absence de site de lancement adapté sur la côte Ouest en 2024 pour Vulcan a empêché ULA de répondre rapidement aux exigences de certaines missions spatiales prioritaires.

En termes financiers, Boeing et Lockheed Martin souffrent. Au 1er trimestre 2025, Boeing affiche une perte nette de 425 millions d’euros, notamment due aux divisions Défense et Espace. Lockheed Martin, de son côté, annonce un ralentissement de 5 % de ses revenus aérospatiaux sur la même période.

L’irruption de Blue Origin dans les contrats militaires

Blue Origin, fondée par Jeff Bezos, entre pour la première fois dans le cercle fermé des fournisseurs NSSL, avec 2,4 milliards d’euros, soit 18 % des fonds.

Son lanceur New Glenn, prévu pour un vol inaugural en 2025, a été sélectionné bien que non encore opérationnel. Cette anticipation de la Space Force témoigne d’une volonté de diversification des fournisseurs pour limiter la dépendance excessive à SpaceX et ULA.

Le défi de Blue Origin sera double : réussir le vol inaugural de New Glenn sans incident et soutenir un rythme de lancement élevé. La société vise 12 lancements commerciaux par an à partir de 2026, mais atteindre cette cadence nécessitera une montée en puissance industrielle rapide.

À l’heure actuelle, Blue Origin n’a encore aucun lancement orbital réussi (New Shepard, son autre lanceur, se limite au suborbital), ce qui expose le Pentagone à un risque technique important.

Rocket Lab et Stoke Space : de nouveaux entrants ambitieux

Rocket Lab et Stoke Space remportent des contrats Lane 1 sur des lanceurs non certifiés, partageant 5,6 milliards d’euros avec SpaceX, ULA et Blue Origin.

Rocket Lab, basée en Californie, a déjà réalisé plus de 40 missions réussies avec sa fusée Electron. Son futur lanceur Neutron sera capable de transporter 8 tonnes en orbite basse. Stoke Space, jeune entreprise innovante, développe un lanceur entièrement réutilisable, dont les premiers essais moteurs ont été réussis en 2024.

Ces nouveaux entrants pourraient accélérer la transformation du marché spatial militaire, en imposant des modèles plus agiles, à coûts réduits. En 2023, Rocket Lab avait réalisé des lancements pour environ 6,5 millions d’euros par mission, bien en deçà des coûts traditionnels de SpaceX ou ULA pour de petits satellites.

Conséquences industrielles sur Boeing et Lockheed Martin

Le recul d’ULA aura des répercussions stratégiques importantes sur Boeing et Lockheed Martin. Leur dépendance au marché spatial militaire est forte : Lockheed Martin Space représentait 18 % de son chiffre d’affaires en 2023, et Boeing Defense, Space & Security en représentait 22 %.

La perte de parts de marché pourrait entraîner :

  • Des réductions de personnels dans les divisions spatiales.
  • Un ralentissement des investissements dans le développement de nouveaux lanceurs.
  • Une baisse de compétitivité sur les marchés civils et commerciaux.

D’un point de vue boursier, cette évolution est préoccupante. En avril 2025, Boeing et Lockheed Martin affichent une sous-performance relative de 12 % par rapport au S&P500 sur 12 mois glissants.

Pour préserver leur avenir, Boeing et Lockheed devront soit réduire leurs coûts, soit se repositionner vers des segments de croissance comme les satellites de communication ou l’exploration lunaire, où de nouveaux programmes de la NASA et du Department of Defense sont en préparation.

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