
Chine et Russie planifient une centrale nucléaire sur la Lune pour l’ILRS d’ici 2035, avec Chang’e-8 en 2028 comme étape clé. Analyse technique et impacts.
La Chine, en collaboration avec la Russie, envisage de construire une centrale nucléaire sur la Lune pour alimenter la Station internationale de recherche lunaire (ILRS), un projet visant à établir une base permanente d’ici 2035. La mission Chang’e-8, prévue pour 2028, posera les bases de cette infrastructure en testant des technologies énergétiques, notamment des réacteurs nucléaires et des panneaux solaires à grande échelle. Cette initiative s’inscrit dans les ambitions chinoises de devenir une puissance spatiale majeure, avec un alunissage humain prévu d’ici 2030. La Russie apporte son expertise en énergie nucléaire spatiale, considérée comme supérieure à celle des États-Unis. Ce projet, impliquant 17 pays, marque une étape clé dans l’exploration lunaire, avec des implications technologiques, géopolitiques et environnementales significatives.

Ambitions spatiales chinoises : cap sur une base lunaire permanente
La Chine ambitionne de devenir une puissance spatiale dominante d’ici la prochaine décennie. Selon les déclarations officielles, Pékin prévoit de faire atterrir des astronautes sur la Lune d’ici 2030 et d’établir une base lunaire permanente d’ici 2035. Ces objectifs s’appuient sur une série de missions robotiques réussies, notamment Chang’e-3 (2013), première mission chinoise à poser un rover sur la Lune, et Chang’e-5 (2020), qui a ramené 1,7 kg d’échantillons lunaires. Ces succès ont renforcé la confiance de la China National Space Administration (CNSA) dans sa capacité à rivaliser avec des programmes comme Artemis de la NASA, qui vise un retour humain sur la Lune dès décembre 2025.
Le projet de Station internationale de recherche lunaire (ILRS), co-dirigé avec la Russie, est au cœur de cette stratégie. Prévue pour être opérationnelle d’ici 2035, l’ILRS sera située au pôle sud lunaire, une région riche en ressources potentielles comme l’eau sous forme de glace, essentielle pour la production d’oxygène et de carburant. La mission Chang’e-8, planifiée pour 2028, jouera un rôle clé en testant des technologies comme l’impression 3D avec du régolithe lunaire et des systèmes énergétiques avancés. Avec un budget spatial chinois estimé à 14 milliards d’euros en 2024, la Chine investit massivement pour concurrencer les États-Unis, dont le budget de la NASA s’élève à 23 milliards d’euros.
Cette ambition s’accompagne d’un plan international ambitieux, le projet 555, qui vise à impliquer 50 pays, 500 institutions scientifiques et 5 000 chercheurs étrangers. Ce cadre collaboratif, présenté par Wu Weiren, vise à positionner l’ILRS comme une plateforme scientifique mondiale, contrastant avec l’approche plus exclusive du programme Artemis.
La mission Chang’e-8 : fondation de l’ILRS
La mission Chang’e-8, prévue pour 2028, est une étape cruciale pour la construction de l’ILRS. Cette mission robotique, d’un coût estimé à 1 milliard d’euros, transportera environ 2 tonnes de charge utile, incluant un atterrisseur, un rover lunaire, et des instruments scientifiques. Elle testera des technologies essentielles comme l’utilisation des ressources in situ (ISRU), notamment l’extraction d’eau et la production de matériaux de construction via l’impression 3D. Par exemple, des expériences mèneront à la création de briques de régolithe, avec une résistance mécanique de 10 MPa, suffisante pour des structures lunaires.
Pei Zhaoyu, ingénieur en chef de la mission, a souligné que Chang’e-8 évaluera également les systèmes énergétiques nécessaires à une base permanente. Cela inclut des panneaux solaires couvrant plusieurs hectares pour générer jusqu’à 1 MW d’électricité, ainsi que des câbles et tuyaux pour distribuer chaleur et énergie sur la surface lunaire. Ces tests sont critiques, car le pôle sud lunaire subit des cycles d’illumination de 14 jours, rendant les solutions énergétiques continues indispensables.
La mission s’appuie sur les succès précédents, comme Chang’e-6 (2024), qui a collecté 2 kg d’échantillons du côté caché de la Lune. Les données de ces missions informent la sélection du site de l’ILRS, ciblant des zones avec un accès à la glace d’eau et une exposition solaire optimale. Environ 30 % des cratères du pôle sud contiendraient de la glace, selon des études de la CNSA, offrant une ressource stratégique pour l’autonomie de la base.
Une centrale nucléaire lunaire : solution énergétique clé
L’annonce d’une centrale nucléaire sur la Lune est une innovation majeure pour l’ILRS. Pei Zhaoyu a indiqué que ce réacteur nucléaire serait le principal fournisseur d’énergie, complété par des panneaux solaires. Un réacteur de 500 kW, comme envisagé par Roscosmos, pourrait alimenter une base consommant environ 400 kW pour les systèmes de survie, les laboratoires et les rovers. Contrairement aux panneaux solaires, limités par les périodes d’obscurité lunaire, un réacteur nucléaire offre une alimentation continue, essentielle pour les opérations scientifiques et humaines.
La Russie, via Roscosmos, apporte une expertise reconnue en énergie nucléaire spatiale. Wu Weiren a noté que la Russie surpasse les États-Unis dans ce domaine, avec des précédents comme les RTG (générateurs thermoélectriques à radio-isotopes) utilisés sur les missions soviétiques. Le réacteur lunaire, prévu pour 2035, serait construit par des robots, car les environnements lunaires, avec des températures variant de -173 °C à +127 °C, exigent des matériaux résistants, comme des alliages de zirconium ou de titane, encore en développement.
Le coût de ce réacteur est estimé à 2-3 milliards d’euros, avec des défis techniques majeurs, comme le refroidissement dans le vide lunaire, nécessitant des radiateurs de 10 m² par 100 kW. Comparativement, la NASA explore des réacteurs similaires via le projet Fission Surface Power, visant 40 kW d’ici 2030, mais avec un calendrier moins ambitieux que celui de l’ILRS.

Collaboration sino-russe et avantage russe
La coopération entre la CNSA et Roscosmos repose sur un mémorandum signé en 2021. Wu Weiren a souligné l’avantage russe en matière de réacteurs nucléaires spatiaux, un domaine où la Russie a une longueur d’avance grâce à des décennies d’expérience. Par exemple, le programme soviétique Topaz a développé des réacteurs de 10 kW pour satellites dans les années 1980. Cette expertise est cruciale pour surmonter les contraintes lunaires, comme l’absence d’atmosphère pour le refroidissement.
La Russie, confrontée à des sanctions occidentales depuis 2022, bénéficie du soutien technologique chinois. En retour, la Chine accède à l’expertise russe, réduisant les coûts et les risques. Environ 60 % des composants du réacteur seraient fabriqués en Chine, selon des estimations, avec un assemblage final par des robots russes. Cette collaboration renforce l’ILRS face au programme Artemis, mais elle reflète aussi une polarisation géopolitique, avec des implications pour l’accès aux ressources lunaires.
Conséquences technologiques et géopolitiques
La construction d’une centrale nucléaire lunaire aura des répercussions majeures. Technologiquement, elle validera des systèmes énergétiques pour des environnements extrêmes, applicables à d’autres corps célestes comme Mars, où la Chine vise un alunissage humain d’ici 2033. Un réacteur lunaire pourrait réduire les coûts opérationnels de 50 % par rapport aux solutions solaires, selon des études de Roscosmos.
Géopolitiquement, l’ILRS positionne la Chine et la Russie comme leaders dans l’exploration lunaire, défiant la suprématie américaine. Le projet 555 vise à élargir cette coalition, mais l’exclusion probable des États-Unis, due aux tensions avec la CNSA, pourrait fragmenter la coopération spatiale. Environ 20 % des ressources lunaires, comme l’hélium-3, pourraient être exploitées par l’ILRS, renforçant l’influence sino-russe.
Environnementalement, le risque de contamination radioactive est faible, car le réacteur serait scellé et éloigné des zones habitées. Cependant, un échec de lancement, avec une probabilité de 1 % selon des modèles, pourrait libérer des isotopes comme le plutonium-238, posant des questions éthiques.
Perspectives pour l’exploration lunaire
L’ILRS redéfinit l’exploration lunaire en intégrant des technologies avancées comme l’énergie nucléaire et l’ISRU. D’ici 2035, la base pourrait accueillir 10 à 20 astronautes pour des missions de 6 mois, avec un coût annuel estimé à 5 milliards d’euros. Ces développements stimuleront l’économie spatiale, évaluée à 1 000 milliards d’euros d’ici 2040, selon des projections.
Le projet sino-russe, avec ses 17 partenaires actuels, contraste avec Artemis, qui regroupe 40 pays. Cette concurrence pourrait accélérer les avancées, mais risque de diviser les efforts scientifiques. L’ILRS pourrait également ouvrir la voie à l’exploitation de l’hélium-3, une ressource pour la fusion nucléaire, estimée à 1 million de tonnes sur la Lune.
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