Le F-47 redéfinit l’isolationnisme militaire américain

Le F-47 redéfinit l’isolationnisme militaire américain

Le contrat du F-47 de Boeing marque un tournant vers l’isolationnisme militaire américain, menaçant le programme F-35 et les exportations aéronautiques. Analyse technique et impacts.

Le F-47, un avion de combat de sixième génération développé par Boeing pour le programme Next-Generation Air Dominance (NGAD), a été choisi par l’U.S. Air Force, marquant un changement stratégique majeur. Ce choix, combiné à l’attribution prochaine d’un contrat pour le F/A-XX de la Navy, privilégie des technologies avancées mais pourrait réduire l’importance du F-35 de Lockheed Martin, un programme clé pour l’engagement international des États-Unis. Le F-35, conçu pour l’interopérabilité avec les alliés, représente environ 33 % des exportations aéronautiques américaines, mais les commandes internationales sont menacées par des tarifs commerciaux et une perte de confiance envers Washington. Le F-47 et le F/A-XX, sans perspectives d’exportation, signalent une posture isolationniste, avec des investissements redirigés vers la défense antimissile et les armes nucléaires. Cette réorientation pourrait réduire l’excédent commercial aéronautique américain, estimé à 80 milliards d’euros en 2024, et affaiblir l’influence militaire mondiale des États-Unis.

Le F-47 redéfinit l’isolationnisme militaire américain

Contrat du F-47 : un tournant technologique

Le contrat attribué à Boeing pour le F-47, composante centrale du programme NGAD, illustre une avancée significative dans les capacités aériennes américaines. Le F-47 est un avion de sixième génération, intégrant des technologies de pointe comme la propulsion avancée, des systèmes d’armes améliorés, une connectivité accrue et une furtivité renforcée. Contrairement aux chasseurs de cinquième génération comme le F-35, le F-47 est conçu pour opérer dans des environnements contestés, avec une portée estimée à 3 000 km et une capacité à collaborer avec des drones autonomes, appelés Collaborative Combat Aircraft (CCA). Le coût initial du contrat s’élève à 18,5 milliards d’euros, avec des projections totales dépassant 185 milliards d’euros sur la durée du programme.

Boeing a surpassé Lockheed Martin, dominant historique du marché des chasseurs furtifs avec le F-22 et le F-35. Cette décision reflète une volonté de diversifier les fournisseurs pour stimuler l’innovation. Par exemple, le F-47 promet une vitesse maximale de Mach 2,5 et une capacité d’emport de 10 tonnes d’armement, surpassant les 7 tonnes du F-35. Cependant, le développement de ces technologies nécessite des investissements massifs, ce qui exerce une pression sur le budget de la défense, fixé à 925 milliards d’euros pour 2026. Cette priorisation pourrait limiter les fonds disponibles pour d’autres programmes, notamment le F-35, dont la production annuelle est déjà réduite à 42 unités pour l’U.S. Air Force en 2025, contre un objectif initial de 110 unités.

Impact sur le programme F-35

Le F-35 Lightning II, produit par Lockheed Martin, est un pilier de la stratégie militaire américaine depuis son entrée en service en 2015. Ce chasseur multirôle équipe l’U.S. Air Force, la Navy, et le Marine Corps, avec trois variantes : F-35A (décollage conventionnel), F-35B (décollage court et atterrissage vertical), et F-35C (opérations sur porte-avions). Son coût unitaire varie entre 76 millions d’euros pour le F-35A et 100 millions d’euros pour le F-35B, avec un coût total du programme estimé à 1,95 trillion d’euros sur 94 ans. Environ 1 100 appareils ont été livrés à ce jour, dont 33 % pour des clients internationaux comme le Canada, le Royaume-Uni, et l’Australie.

Le F-35 a été conçu pour l’interopérabilité avec les alliés, intégrant des systèmes standardisés OTAN et des pièces produites par des partenaires comme BAE Systems (Royaume-Uni) et Leonardo (Italie). Cependant, le virage vers le F-47 menace ce programme. Le budget 2026 du Pentagone exige des coupes de 8 % par service, soit environ 74 milliards d’euros, pour financer des priorités comme le Golden Dome, un système de défense antimissile estimé à 46 milliards d’euros. Le F-35, représentant une part significative des dépenses aéronautiques, est une cible évidente. Par exemple, une réduction de 10 unités par an pourrait économiser 760 millions d’euros, mais compromettrait les engagements envers les alliés, qui comptent sur une production stable pour maintenir leurs flottes.

Menaces sur les exportations du F-35

Les exportations du F-35 constituent un moteur économique majeur pour les États-Unis, représentant 33 % de la demande totale, soit environ 600 appareils sur 1 800 commandés. En 2024, l’excédent commercial aéronautique américain a atteint 80 milliards d’euros, dont le F-35 contribue à hauteur de 25 %. Cependant, des tensions diplomatiques, exacerbées par des tarifs commerciaux imposés par l’administration actuelle, fragilisent ces ventes. Le Canada, qui a commandé 88 F-35A pour 17,6 milliards d’euros, réexamine son engagement, tandis que le Portugal envisage d’abandonner son projet d’acquisition de 12 appareils. Des pays comme l’Allemagne (35 unités) et la Suisse (36 unités) pourraient suivre.

Ces réticences s’expliquent par une perte de confiance envers les États-Unis, notamment en raison des rumeurs d’un kill switch, un dispositif logiciel permettant de désactiver les F-35 à distance. Bien que démenties par des responsables comme le général belge Frederik Vansina, ces inquiétudes soulignent la dépendance des alliés envers le soutien logistique américain, qui inclut les mises à jour logicielles et les pièces détachées. Par exemple, un F-35 immobilisé sans maintenance devient inopérant en 90 jours. En réponse, certains pays explorent des alternatives comme le Rafale français ou le Gripen suédois, moins coûteux (environ 65 millions d’euros par unité) et indépendants des États-Unis.

Le F-47 redéfinit l’isolationnisme militaire américain

Conséquences de l’isolationnisme militaire

La priorisation du F-47 et du F/A-XX, sans perspective d’exportation, reflète une stratégie isolationniste qui contraste avec l’engagement mondial du F-35. Ces nouveaux appareils, conçus pour être basés aux États-Unis, réduisent la projection de puissance à l’étranger. Par exemple, le F-35B, avec sa capacité d’atterrissage vertical, permet des déploiements rapides sur des bases avancées, comme à Kadena (Japon), où 24 unités sont stationnées. Le F-47, avec un rayon d’action supérieur mais une logistique complexe, nécessitera des infrastructures fixes, limitant sa flexibilité.

Cette réorientation menace l’excédent commercial aéronautique, qui soutient 250 000 emplois directs aux États-Unis, notamment à Fort Worth (Texas), où Lockheed Martin assemble les F-35. Une baisse de 10 % des commandes internationales pourrait supprimer 25 000 emplois directs et 50 000 emplois indirects, affectant des fournisseurs comme Pratt & Whitney (moteurs) et Northrop Grumman (avionique). De plus, l’accent mis sur la défense antimissile et les armes nucléaires, avec un budget de 92 milliards d’euros pour moderniser l’arsenal nucléaire, détourne les ressources des programmes collaboratifs, affaiblissant les alliances comme l’OTAN.

Alternatives et perspectives internationales

Face à l’incertitude entourant le F-35, les alliés se tournent vers des programmes indépendants. Le Global Combat Air Programme (GCAP), réunissant le Royaume-Uni, le Japon, et l’Italie, vise à développer un chasseur de sixième génération d’ici 2035, avec un budget estimé à 46 milliards d’euros. La France, l’Allemagne, et l’Espagne avancent sur le Future Combat Air System (FCAS), prévu pour 2040, avec un coût similaire. Ces initiatives réduisent la dépendance envers les États-Unis, mais leurs délais (10 à 15 ans) maintiennent le F-35 comme solution intérimaire.

Par exemple, le Gripen E suédois, avec un coût d’exploitation de 4 600 euros par heure contre 31 000 euros pour le F-35, attire des pays comme le Brésil (36 unités commandées). Ces alternatives offrent une autonomie stratégique, essentielle dans un contexte où les États-Unis pourraient limiter l’accès aux données opérationnelles critiques, comme les codes source des logiciels du F-35.

Le choix du F-47 marque une rupture stratégique, privilégiant l’innovation technologique au détriment de l’engagement international. Si le F-35 reste viable à court terme grâce à ses racines industrielles et ses contrats existants, sa marginalisation pourrait redessiner l’industrie aéronautique américaine et affaiblir son influence mondiale. Les alliés, confrontés à des incertitudes, investiront dans des solutions autonomes, fragmentant les capacités aériennes globales.

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