
Analyse technique de la poussée vectorielle tridimensionnelle des avions de chasse russes Su-30SM et Su-35, avec données et exemples concrets.
La poussée vectorielle tridimensionnelle (3D) constitue une avancée significative dans la conception des avions de chasse russes, notamment les Su-30SM et Su-35. Cette technologie permet une manœuvrabilité exceptionnelle, offrant des avantages tactiques en combat rapproché. Cet article examine en détail le fonctionnement de cette technologie sur les Su-30SM et Su-35, en mettant en lumière les aspects techniques et les performances associées.
La poussée vectorielle 3D sur le Su-30SM
Le Su-30SM, développé par Sukhoi, est équipé de deux moteurs AL-31FP dotés de tuyères à poussée vectorielle 3D. Ces tuyères peuvent dévier le flux des gaz d’échappement dans les plans vertical et horizontal, offrant ainsi une manœuvrabilité accrue.
Chaque moteur AL-31FP fournit une poussée maximale de 12 500 kgf avec postcombustion. Les tuyères peuvent s’orienter jusqu’à ±15 degrés en vertical et ±8 degrés en horizontal, permettant des manœuvres telles que le “Cobra de Pugachev” et le “Tailslide”. Ces capacités sont particulièrement utiles lors de combats aériens rapprochés, où la capacité à changer rapidement de direction peut être décisive.
Le système de contrôle de vol du Su-30SM intègre la poussée vectorielle dans ses calculs, assurant une coordination optimale entre les commandes de vol traditionnelles et la déviation des tuyères. Cette intégration permet au pilote de bénéficier pleinement des capacités offertes par la poussée vectorielle sans surcharge cognitive excessive.
Cependant, cette technologie présente des défis, notamment en termes de maintenance et de complexité mécanique. Les systèmes de poussée vectorielle nécessitent une surveillance et un entretien rigoureux pour garantir leur bon fonctionnement, ce qui peut augmenter les coûts opérationnels.

La poussée vectorielle 3D sur le Su-35
Le Su-35, évolution du Su-27, est équipé de moteurs AL-41F1S avec tuyères à poussée vectorielle 3D. Ces tuyères peuvent dévier le flux des gaz d’échappement dans les plans vertical et horizontal, offrant une manœuvrabilité exceptionnelle.
Chaque moteur AL-41F1S fournit une poussée maximale de 14 500 kgf avec postcombustion. Les tuyères peuvent s’orienter jusqu’à ±20 degrés en vertical et ±15 degrés en horizontal, permettant des manœuvres complexes à basse vitesse et à haute incidence. Ces capacités sont particulièrement utiles lors de démonstrations aériennes et de combats aériens rapprochés.
Le Su-35 intègre un système de contrôle de vol numérique qui coordonne les commandes de vol traditionnelles avec la déviation des tuyères. Cette intégration permet une réponse rapide et précise aux commandes du pilote, améliorant la maniabilité de l’appareil.
Cependant, comme pour le Su-30SM, la complexité du système de poussée vectorielle du Su-35 nécessite une maintenance rigoureuse. De plus, l’utilisation intensive de cette technologie peut entraîner une usure accrue des composants, nécessitant des inspections et des remplacements plus fréquents.
Comparaison des systèmes de poussée vectorielle des Su-30SM et Su-35
Les Su-30SM et Su-35 utilisent tous deux des systèmes de poussée vectorielle 3D, mais présentent des différences notables.
Le Su-30SM est équipé de moteurs AL-31FP, tandis que le Su-35 utilise des moteurs AL-41F1S plus puissants. Les tuyères du Su-35 offrent une plus grande amplitude de déviation, permettant des manœuvres plus extrêmes. De plus, le système de contrôle de vol du Su-35 est plus avancé, offrant une intégration plus poussée de la poussée vectorielle.
En termes de performances, le Su-35 bénéficie d’une vitesse maximale plus élevée et d’une meilleure accélération grâce à ses moteurs plus puissants. Cependant, le Su-30SM, avec son équipage de deux personnes, offre une meilleure répartition des tâches, ce qui peut être avantageux lors de missions complexes.
En résumé, le Su-35 offre des performances supérieures en termes de poussée vectorielle et de manœuvrabilité, tandis que le Su-30SM présente des avantages en termes de gestion de mission et de coordination d’équipage.
Réflexions sur l’utilité opérationnelle de la poussée vectorielle 3D
La poussée vectorielle 3D offre des avantages indéniables en termes de manœuvrabilité, mais son utilité opérationnelle suscite des débats.
Dans les scénarios de combat aérien moderne, les engagements à longue distance sont privilégiés, réduisant l’importance des combats rapprochés où la poussée vectorielle excelle. De plus, la complexité et le coût de maintenance des systèmes de poussée vectorielle peuvent limiter leur déploiement à grande échelle.
Cependant, dans des situations spécifiques, telles que les démonstrations aériennes, les combats rapprochés ou les missions nécessitant une maniabilité extrême, la poussée vectorielle 3D peut offrir un avantage tactique significatif. Elle permet des manœuvres impossibles pour des avions sans cette technologie, offrant ainsi une supériorité en termes de positionnement et de réaction.
La poussée vectorielle 3D représente une avancée technologique majeure
La poussée vectorielle tridimensionnelle a été développée pour pallier les limites aérodynamiques classiques des avions de chasse russes à haute incidence. Sur des appareils comme le Su-30SM et le Su-35, elle transforme littéralement le comportement en vol. Contrairement aux avions conventionnels qui utilisent uniquement des surfaces mobiles (gouvernes, ailerons), les Su-30SM et Su-35 modifient la direction même de la poussée moteur, offrant ainsi un contrôle supplémentaire indépendant du flux d’air sur les surfaces portantes. Cela reste un facteur critique en combat à très basse vitesse ou lors de décrochages contrôlés.
Cependant, plusieurs éléments méritent d’être soulignés sans complaisance. Sur le plan purement opérationnel, la poussée vectorielle 3D a un coût : elle ajoute de la masse, réduit la fiabilité globale du moteur, et augmente les temps d’entretien. La durée de vie moyenne des buses vectorielles du Su-35 est estimée à 800 heures, soit environ 20 % de moins que celle d’une tuyère conventionnelle non vectorisée. Ce chiffre n’est pas anodin pour une flotte engagée dans des missions répétées sur théâtre d’opérations réel.
Les États-Unis ont volontairement renoncé à intégrer des systèmes similaires sur la majorité de leurs avions récents, y compris le F-35A, préférant miser sur la furtivité, la fusion des capteurs et les armes à longue portée. L’approche russe, incarnée dans le Su-35, privilégie quant à elle une suprématie manœuvrière fondée sur une manœuvrabilité extrême. C’est un pari doctrinal clair. Il reflète une conception du combat aérien encore largement influencée par la supériorité en dogfight, qui reste enseignée dans les écoles de chasse russes.
Il faut aussi noter que l’utilisation intensive de la poussée vectorielle dans des environnements poussiéreux ou sablonneux, comme en Syrie ou en Afrique, accélère la dégradation des moteurs. Le coût de remplacement d’un moteur AL-41F1S avoisine les 5 millions d’euros, ce qui impose des arbitrages budgétaires au sein des forces aériennes russes déjà contraintes par des restrictions financières post-embargo.
En matière de performances brutes, les Su-35 et Su-30SM ont pu démontrer lors d’exercices conjoints (comme “Aviadarts” ou “Tsentr”) une supériorité de manœuvre claire face à des appareils occidentaux de génération précédente. Lors de ces exercices, le Su-35 a été capable d’engager des cibles à angles d’attaque supérieurs à 60°, tout en gardant une stabilité dynamique et la capacité à effectuer un tir. Ces capacités sont utiles dans un nombre réduit de situations mais doivent être interprétées dans le contexte plus large de la guerre aérienne contemporaine, qui tend à se jouer bien avant le contact visuel.


Un choix technologique aux implications industrielles et stratégiques
Le développement et l’intégration de la poussée vectorielle 3D sur les Su-30SM et Su-35 ont impliqué des choix industriels spécifiques. Le bureau d’études OAO “Lyulka-Saturn”, en charge des moteurs AL-31FP et AL-41F1S, a dû développer des tuyères articulées à haute température capables de supporter des régimes de postcombustion allant jusqu’à 2 000 °C. Chaque tuyère intègre des actionneurs électromécaniques redondants permettant une réponse rapide (< 0,2 seconde) à la commande du pilote ou de l’ordinateur de bord.
L’industrie russe s’appuie sur des fournisseurs spécialisés dans les alliages à base de titane et de nickel, souvent produits par des entités issues de l’ex-complexe militaro-industriel soviétique. Les sanctions occidentales ont compliqué l’accès à certains matériaux de haute qualité, forçant la substitution par des composants de fabrication nationale. Cette transition a entraîné des retards de production, notamment sur certaines versions d’export du Su-30.
D’un point de vue stratégique, l’utilisation de la poussée vectorielle comme argument de vente a permis à la Russie de capter des marchés aéronautiques à forte valeur. Des pays comme l’Inde, la Malaisie ou l’Algérie ont été séduits par ces capacités de manœuvre avancées, considérées comme un facteur de dissuasion et de supériorité dans leur espace régional. Le coût d’un Su-30MKI, équipé de la poussée vectorielle, est évalué à 55 millions d’euros en configuration complète. Le Su-35 exporté vers la Chine a été négocié autour de 78 millions d’euros l’unité.
La poussée vectorielle n’est donc pas seulement un choix technique. Elle est un instrument de doctrine, de stratégie industrielle et de diplomatie militaire. Elle reflète un mode de pensée qui privilégie la performance cinématique maximale au détriment de la furtivité passive. C’est aussi un pari sur l’utilité du combat rapproché dans des théâtres où les systèmes de brouillage ou de guerre électronique peuvent rendre caduques les engagements à longue portée.