
Boeing obtient le contrat NGAD pour concevoir le F-47, futur chasseur américain de 6e génération, destiné à remplacer le F-22 Raptor.
Le 21 mars, l’administration américaine a confirmé que Boeing a obtenu un contrat de plus de 20 milliards de dollars (environ 18,5 milliards d’euros) pour développer le F-47, le chasseur de 6e génération appelé à remplacer le F-22 Raptor. Ce contrat s’inscrit dans le cadre du programme Next-Generation Air Dominance (NGAD). Le F-47 intégrera des technologies avancées : furtivité, capteurs nouvelle génération, propulsion évoluée, interopérabilité avec des drones et capacités en guerre en réseau. Le projet marque un tournant stratégique majeur pour la supériorité aérienne américaine, et une reconfiguration du marché aéronautique militaire, au détriment de Lockheed Martin.
Le contrat NGAD : enjeux industriels et stratégiques
L’attribution du contrat NGAD (Next-Generation Air Dominance) à Boeing, pour une valeur initiale de 20 milliards de dollars, représente une redéfinition des priorités industrielles du Pentagone. Le programme couvre actuellement la phase d’ingénierie et développement de fabrication (EMD), une étape cruciale avant l’industrialisation. À terme, selon des projections du Congressional Budget Office, ce programme pourrait dépasser 250 milliards de dollars (environ 231 milliards d’euros) sur plusieurs décennies, compte tenu des besoins en unités, du soutien logistique et des développements évolutifs.
Boeing, en difficulté depuis plusieurs années (accidents du 737 MAX, retards du T-7 Red Hawk, défauts de production du KC-46), voit ici une reconsolidation de son rôle dans l’industrie de la défense aérienne. Ce contrat permet de réactiver la chaîne de production de St. Louis, où étaient déjà produits les F-15EX et F/A-18E/F. Environ 5 000 emplois directs sont concernés, et jusqu’à 20 000 indirects selon le département du Missouri.
Le choix de Boeing au détriment de Lockheed Martin est stratégique. Lockheed dominait le secteur avec les F-22, F-35 et le programme du B-21 associé à Northrop Grumman. Le NGAD marque donc une redistribution des parts industrielles et technologiques dans l’aérien militaire. En parallèle, Boeing affirme son savoir-faire dans la gestion de plateformes interconnectées, une des clés de la guerre future.

Le F-47 : un chasseur intégré dans un système multi-niveaux
Peu d’éléments techniques sur le F-47 sont disponibles. Toutefois, plusieurs sources industrielles et documents budgétaires américains indiquent les caractéristiques attendues des chasseurs NGAD :
- Furtivité accrue : suppression des angles radar, matériaux absorbants, signatures thermiques réduites.
- Capteurs actifs AESA (Active Electronically Scanned Array) de nouvelle génération pour les radars.
- Systèmes passifs électro-optiques intégrés dans le fuselage.
- Moteur adaptatif à cycle variable, développé avec GE Aerospace et Pratt & Whitney.
- Vitesse estimée > Mach 2,2, rayon d’action > 1 800 km, charge utile > 9 tonnes.
Le F-47 ne sera pas un appareil isolé. Il sera intégré dans une famille de systèmes, incluant des drones autonomes d’appui tactique (Collaborative Combat Aircraft). Ces drones seront capables de réaliser des missions de reconnaissance, brouillage, attaque ou leurre, en coordination avec l’avion-mère.
Le NGAD intègre également un réseau de traitement partagé des données, reposant sur l’architecture Joint All Domain Command and Control (JADC2). Il ne s’agit plus seulement de posséder un chasseur performant, mais de l’insérer dans un système de combat interopérable, cyber-protégé et opérant sur plusieurs dimensions (air, sol, espace, cyber).
Conséquences géostratégiques : anticiper les conflits à haute intensité
Le programme NGAD s’inscrit dans la stratégie américaine de réponse aux capacités croissantes de la Chine et de la Russie. L’US Air Force a identifié que le F-22 Raptor, malgré ses performances, est technologiquement dépassé face aux menaces émergentes. Le chasseur chinois J-20B, équipé de nouveaux moteurs WS-15 et de capteurs longue portée, est déjà en déploiement. La Russie de son côté poursuit ses développements sur le Su-57 et annonce un futur Su-75 Checkmate, bien que les cadences de production restent faibles.
L’entrée en service du F-47 est prévue entre 2030 et 2035, avec une production initiale de 200 à 300 unités. Il viendra compléter et non remplacer le F-35, qui restera le chasseur polyvalent de l’OTAN. La doctrine d’emploi différencie les rôles : le F-35 pour l’attaque de précision et l’appui interarmées, le F-47 pour l’assaut en zone contestée à très haute intensité.
Le développement du F-47 alimente également une compétition technologique : plusieurs pays membres de l’OTAN (notamment Royaume-Uni, Italie et Japon) travaillent sur leurs propres projets (Tempest/FCAS). Les budgets de défense évoluent en conséquence. Le budget défense américain 2024 prévoit 1,8 milliard de dollars pour le NGAD, en augmentation de 38 % par rapport à 2023.
Perspectives industrielles et tensions du marché global
Le contrat NGAD pourrait redéfinir les équilibres industriels mondiaux. Boeing peut ainsi capitaliser sur cette dynamique pour concurrencer Dassault Aviation et BAE Systems dans les projets européens. À terme, des versions export pourraient émerger, bien que les précédents F-22 n’aient jamais été exportés. La doctrine d’exportation du F-47 reste floue mais plusieurs pays alliés (Australie, Japon, Israël) ont exprimé un intérêt de principe.
L’arrivée de ce chasseur pourrait aussi impacter le marché des drones de combat (UCAV), en lien direct avec les systèmes autonomes intégrés au NGAD. Le secteur des drones militaires représente déjà plus de 15 milliards d’euros par an, avec une croissance de 12 % par an selon Markets & Markets.
Enfin, ce contrat repositionne Boeing dans un contexte de pénurie de matières premières, tensions sur les composants électroniques, et fragmentation des chaînes logistiques aéronautiques. La capacité du constructeur à tenir les délais et maîtriser les coûts fera l’objet d’un suivi rigoureux.
Avion-Chasse.fr est un site d’information indépendant.