
L’ex-secrétaire de l’Air Force révèle les choix techniques, coûts et enjeux du chasseur furtif F-47 de Boeing, successeur annoncé du F-22.
L’ex-secrétaire américain de l’Air Force, Frank Kendall, a révélé des informations clés sur le programme du Boeing F-47, le futur avion de chasse furtif de sixième génération. Lancé via l’Aerospace Innovation Initiative menée par la DARPA, ce programme visait initialement à concurrencer la domination de Lockheed Martin avec ses chasseurs F-22 et F-35. Deux démonstrateurs, réalisés par Boeing et Lockheed Martin après 2017, ont testé des technologies critiques avant d’arriver au modèle actuel du F-47. Le coût du F-47 est estimé entre 160 et 180 millions d’euros par unité, avec une architecture réseau avancée et une intégration poussée des drones CCA. Kendall souligne l’importance stratégique du programme malgré son coût élevé, tout en insistant sur la nécessité de renforcer la défense des bases militaires américaines face aux nouvelles menaces.

Origines et contexte du programme F-47
Le programme Boeing F-47 découle de l’initiative Aerospace Innovation Initiative (AII), lancée au milieu des années 2010 par la DARPA avec un investissement initial d’environ 930 millions d’euros (1 milliard de dollars). Cette initiative impliquait également l’US Air Force et la Navy, visant à développer une génération d’avions expérimentaux (« X-planes ») capables de tester des technologies jugées critiques pour un chasseur de sixième génération. Ces prototypes, construits après 2017 par Boeing et Lockheed Martin, avaient pour objectif de prouver la viabilité technique de nouvelles configurations furtives, des capacités réseau avancées et une portée opérationnelle supérieure à celle des appareils actuels.
Le programme cherchait notamment à briser la domination du marché par Lockheed Martin, particulièrement après les programmes F-22 et F-35. Frank Kendall souligne que l’objectif était de rétablir une concurrence industrielle saine, permettant au Pentagone de mieux contrôler coûts et performances. Selon Kendall, le choix du F-47 par Boeing a résulté d’une compétition réelle et serrée, avec des propositions jugées « très créatives » par Andrew Hunter, ancien secrétaire adjoint chargé de l’acquisition technologique.
Caractéristiques techniques et coûts du F-47
Le Boeing F-47 est un chasseur furtif destiné principalement aux missions de pénétration en zones fortement défendues, à l’image de son prédécesseur, le F-22 Raptor. Kendall décrit la configuration générale du F-47 comme un descendant direct du F-22, mais doté de capacités réseau étendues, notamment pour gérer une flotte de drones CCA (Collaborative Combat Aircraft). Cette capacité de « quarterback », pilotant des drones à distance pour des missions complémentaires, représente une innovation majeure et une adaptation aux scénarios futurs de guerre aérienne.
En termes de coûts, Kendall révèle que chaque unité du F-47 coûtera entre 148 et 167 millions d’euros (160 à 180 millions de dollars), soit environ deux fois le prix unitaire d’un F-35, estimé actuellement à 83 millions d’euros (90 millions de dollars). Le coût total du développement du programme NGAD (Next Generation Air Dominance), dont le F-47 est une composante essentielle, nécessitera encore au moins 18,5 milliards d’euros (20 milliards de dollars).
Conséquences stratégiques et opérationnelles
Le programme F-47 s’inscrit dans un contexte stratégique précis : il doit permettre aux États-Unis de maintenir leur supériorité aérienne face à des adversaires technologiquement avancés, tels que la Chine. Kendall insiste sur l’importance de cette capacité, notamment en cas de conflit dans l’espace aérien très défendu du Pacifique occidental ou d’Europe orientale. Cependant, l’ancien secrétaire de l’Air Force indique clairement que le coût élevé du F-47 implique des arbitrages difficiles. Il souligne que chaque euro investi dans ce programme limite potentiellement les capacités américaines à répondre à d’autres menaces stratégiques majeures, comme la neutralisation de satellites ou la défense des bases militaires contre les missiles hypersoniques chinois et russes.
Le risque financier et stratégique est donc double : ne pas investir suffisamment dans le F-47 exposerait les États-Unis à une perte critique de supériorité aérienne, tandis qu’un investissement excessif dans ce seul appareil pourrait négliger d’autres domaines vitaux. Kendall plaide pour une approche équilibrée, avec un investissement parallèle dans des systèmes antimissiles plus abordables que les actuels Patriot et THAAD, afin d’assurer la résilience des bases militaires américaines.
Perspectives et évolutions futures du programme
Le programme NGAD, dont le F-47 fait partie, est conçu pour évoluer en plusieurs tranches ou « increments ». Andrew Hunter précise ainsi que le F-47 ne serait que la première version d’une famille d’avions furtifs adaptables et évolutifs. Cette modularité est rendue possible par une architecture système commune, qui facilitera les mises à jour technologiques régulières, tout en réduisant les coûts de maintenance et de modernisation à long terme.
Cette même architecture facilitera également l’interopérabilité avec les futurs chasseurs furtifs de la Navy (F/A-XX), assurant ainsi une cohérence opérationnelle et technologique accrue au sein des forces américaines. Enfin, malgré le coût prohibitif du F-47 et les incertitudes sur sa viabilité à l’export, le succès commercial international pourrait devenir crucial pour amortir les coûts de développement, à l’instar du modèle économique du F-35, malgré les critiques sur sa gestion par Lockheed Martin.

Réflexions critiques
La décision américaine de miser lourdement sur le F-47 illustre les difficultés actuelles dans l’équilibrage des priorités militaires : d’un côté, le maintien d’une supériorité technologique aérienne indispensable face à des adversaires majeurs ; de l’autre, la nécessité urgente d’investir dans des systèmes de défense moins coûteux et mieux adaptés aux menaces concrètes telles que les missiles hypersoniques ou les attaques antisatellites.
Le débat stratégique reste ouvert : le choix du F-47 représente une option techniquement séduisante mais financièrement risquée. Le futur de ce programme dépendra largement de la capacité des États-Unis à financer simultanément plusieurs fronts technologiques, sans négliger les menaces immédiates qui pourraient, paradoxalement, empêcher les futurs chasseurs américains de décoller si les bases restent insuffisamment protégées.
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