
L’Italie annonce une augmentation de ses dépenses militaires à 2 % du PIB en 2025, répondant aux exigences de l’OTAN malgré des réticences internes.
En 2025, l’Italie s’engage à porter ses dépenses de défense à 2 % de son produit intérieur brut (PIB), conformément aux exigences de l’OTAN. Cette décision intervient après des années de dépenses inférieures à ce seuil, avec 1,49 % du PIB consacré à la défense en 2024. Pour atteindre cet objectif, le gouvernement italien envisage de reclasser certaines dépenses, telles que les pensions militaires et les investissements en technologies civiles, dans le budget de la défense. Cette initiative suscite des débats internes, notamment en raison de l’opposition de l’opinion publique et de certains partis politiques, qui préfèrent orienter les fonds vers des secteurs comme la santé. Par ailleurs, l’Italie doit choisir entre l’achat d’équipements militaires américains ou européens, dans un contexte où l’Union européenne propose des prêts pour renforcer l’industrie de défense du continent.

L’Italie s’engage à atteindre les 2 % du PIB en dépenses de défense
En 2025, l’Italie prévoit d’augmenter ses dépenses militaires pour atteindre 2 % de son produit intérieur brut (PIB), conformément aux engagements pris envers l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Cette décision marque une augmentation significative par rapport aux 1,49 % du PIB consacrés à la défense en 2024, l’un des taux les plus bas parmi les membres de l’OTAN.
Pour atteindre cet objectif, le gouvernement italien envisage de reclasser certaines dépenses, telles que les pensions militaires et les investissements en technologies civiles, dans le budget de la défense. Cette approche permettrait d’aligner les critères comptables avec ceux de l’OTAN, facilitant ainsi l’atteinte du seuil des 2 %.
Cependant, cette augmentation des dépenses militaires représente un défi budgétaire majeur pour l’Italie, qui doit trouver environ 11 milliards d’euros supplémentaires pour respecter cet engagement. Cette situation soulève des questions sur les priorités budgétaires du pays, notamment en ce qui concerne les investissements dans les secteurs sociaux et économiques.
Une opinion publique italienne majoritairement opposée à l’augmentation des dépenses militaires
Malgré les engagements internationaux, une majorité de la population italienne reste opposée à l’augmentation des dépenses militaires. Selon une enquête récente, 72 % des Italiens privilégient les dépenses sociales à la défense, et seulement 26 % soutiennent une augmentation du budget militaire.
Cette opposition se reflète également dans la classe politique. Le parti Mouvement 5 Étoiles a organisé une manifestation à Rome pour protester contre l’augmentation des dépenses de défense. De plus, le vice-premier ministre Matteo Salvini a exprimé son désaccord, estimant que les fonds supplémentaires devraient être alloués aux hôpitaux plutôt qu’à l’armement.
Cette résistance interne complique la mise en œuvre des engagements pris envers l’OTAN et soulève des questions sur la légitimité démocratique de ces décisions budgétaires. Le gouvernement devra naviguer entre les pressions internationales et les attentes de sa population pour parvenir à un consensus sur la politique de défense nationale.
Le dilemme entre l’achat d’équipements militaires américains et européens
L’augmentation des dépenses militaires italiennes soulève la question de l’origine des équipements à acquérir. En 2024, l’Italie a consacré 7 milliards d’euros à l’achat de 25 avions de chasse F-35 auprès des États-Unis, s’ajoutant aux 90 déjà commandés. Par ailleurs, près d’un quart des importations d’armement de l’Italie en dehors de l’Union européenne proviennent des États-Unis, pour une valeur d’environ 184 millions d’euros.
Cependant, l’Union européenne encourage ses membres à privilégier l’achat d’équipements produits en Europe. Un programme de prêts de 150 milliards d’euros a été proposé pour financer des achats d’armement européen, avec une condition : 65 % des fonds doivent être dépensés auprès de fournisseurs européens.
Ce dilemme place l’Italie dans une position délicate, entre la pression américaine pour acheter des équipements américains et les incitations européennes à soutenir l’industrie de défense du continent. Le choix de l’Italie aura des implications sur ses relations internationales et sur le développement de son industrie de défense nationale.
Les implications économiques de l’augmentation des dépenses militaires
L’engagement de l’Italie à augmenter ses dépenses militaires à 2 % du PIB représente un défi économique majeur. Avec une dette publique élevée, le pays doit trouver des moyens de financer cette augmentation sans compromettre sa stabilité financière. Le gouvernement envisage de recourir à des ajustements budgétaires, tels que des économies dans d’autres secteurs ou des augmentations d’impôts.
Par ailleurs, l’Italie pourrait bénéficier de programmes européens, tels que le plan “Readiness 2030”, qui prévoit des investissements massifs dans la défense européenne. Cependant, l’Italie a exprimé des réticences à recourir à des prêts supplémentaires, préférant des subventions pour éviter d’alourdir sa dette.
Cette situation souligne la complexité de concilier les engagements internationaux en matière de défense avec les contraintes économiques nationales. Le gouvernement italien devra faire preuve de prudence et de stratégie pour atteindre ses objectifs sans compromettre sa stabilité financière.
Les perspectives pour l’industrie de défense italienne (suite)
Par ailleurs, Fincantieri, le principal constructeur naval italien, bénéficie également des hausses budgétaires. L’entreprise, contrôlée à 71 % par l’État via la Cassa Depositi e Prestiti, est chargée de la construction de navires militaires, notamment des frégates FREMM et des patrouilleurs PPA (Pattugliatori Polivalenti d’Altura). En 2023, Fincantieri a enregistré un carnet de commandes de plus de 36 milliards d’euros, dont près de 13 milliards liés à la défense.
D’autres projets soutenus par l’État incluent la production de véhicules blindés et de chars en partenariat avec Rheinmetall Italia, ce qui permet à l’Italie de conserver une capacité industrielle autonome. Le programme national de blindés (AICS – Armoured Infantry Combat System) prévoit la livraison de centaines de véhicules de transport de troupes et de combat dans les 10 prochaines années. Le coût du programme dépasse les 2,5 milliards d’euros.
Ces investissements renforcent une stratégie d’autonomie capacitaire, mais ils répondent aussi à la logique du Fonds européen de défense (FED), qui finance les coopérations entre industries militaires des États membres. Depuis 2021, l’Italie a participé à 45 projets dans le cadre du FED, avec un cofinancement européen atteignant plus de 700 millions d’euros.
La hausse budgétaire prévue pour 2025 peut donc consolider cette dynamique industrielle. Toutefois, la répartition des commandes entre acteurs européens et fournisseurs américains sera un enjeu de taille. Une politique orientée vers l’achat local renforcerait l’emploi et la recherche en Italie. À l’inverse, une dépendance aux exportations d’armement américain risque de freiner le développement du tissu industriel national.
L’Italie, pour garder un équilibre, pourrait négocier des transferts de technologie dans ses accords d’achat. Ce fut le cas avec le programme F-35, dont certaines pièces sont produites sur le site de Cameri, en Piémont, avec un centre d’assemblage final et de maintenance régional. Ce modèle hybride, combinant achat extérieur et fabrication locale, pourrait être reproduit à condition d’une volonté politique claire.

Une pression croissante de l’OTAN et des États-Unis
Depuis 2014, les pays membres de l’OTAN ont pris l’engagement d’atteindre un niveau de dépenses militaires de 2 % de leur PIB d’ici 2024. Ce seuil est considéré comme un critère d’engagement minimal pour la défense collective. Pourtant, seuls 11 des 31 membres de l’OTAN atteignaient cet objectif en 2023, dont la Pologne (3,9 %), la Grèce (3,1 %), les États-Unis (3,5 %) et le Royaume-Uni (2,1 %).
L’Italie, avec 1,49 % en 2024, restait loin derrière, et sa montée à 2 % en 2025 semble autant dictée par une volonté politique interne que par une pression diplomatique directe. En mars 2024, Donald Trump a réitéré son exigence de voir les alliés porter leurs dépenses à 5 % du PIB, un seuil qualifié d’irréaliste par de nombreux experts européens.
Dans cette configuration, les États-Unis jouent un rôle central en exerçant un levier stratégique : le soutien à la sécurité européenne dépend en grande partie de leur dissuasion nucléaire et de leur capacité de projection militaire. L’Italie, qui héberge des bases américaines stratégiques (comme à Aviano et à Sigonella), est directement concernée.
Washington pousse aussi ses alliés à acheter des matériels américains pour standardiser les équipements de l’Alliance. Cela explique en partie la commande massive de F-35, un programme controversé mais considéré par les militaires italiens comme un gage d’interopérabilité. Le soutien logistique américain, notamment en matière de renseignement et de guerre électronique, renforce cette dépendance.
En retour, la position italienne dans l’OTAN pourrait se renforcer à court terme. L’augmentation des dépenses militaires permettra à Rome de peser davantage dans les discussions stratégiques et dans les programmes conjoints, à condition que cet effort s’inscrive dans la durée.
Conséquences sociales et politiques internes
L’augmentation des dépenses militaires en Italie suscite des conséquences politiques et sociales non négligeables. D’un point de vue budgétaire, trouver près de 9 milliards d’euros supplémentaires pour atteindre 2 % du PIB nécessite soit de réduire d’autres postes de dépense, soit d’augmenter les recettes fiscales.
Plusieurs syndicats, dont la CGIL, ont alerté sur une possible réduction des budgets de la santé, de l’éducation et des infrastructures si le gouvernement continue à prioriser l’investissement militaire. En 2023, les dépenses publiques de santé représentaient 6,6 % du PIB italien, un chiffre déjà en recul par rapport aux années précédentes.
D’un point de vue politique, cette décision fracture la coalition au pouvoir. Le parti de Matteo Salvini (Lega), bien qu’en théorie allié de Giorgia Meloni, critique l’affectation des ressources à la défense. Cette tension pourrait devenir un enjeu électoral, notamment dans les régions où les services publics sont sous-financés.
À gauche, le Parti démocrate et le Mouvement 5 Étoiles s’opposent frontalement à la logique de réarmement, craignant un glissement stratégique vers une économie militarisée, au détriment des besoins sociaux. Les marches organisées à Rome et à Naples en avril 2025 illustrent cette contestation, rassemblant plus de 25 000 manifestants.
Cette division interne est aggravée par une défiance généralisée envers les institutions. En 2024, seuls 38 % des Italiens déclaraient faire confiance au gouvernement, selon une enquête Ipsos. L’adhésion populaire à une politique de défense ambitieuse nécessite une pédagogie publique, aujourd’hui absente.
Quelles perspectives pour l’Italie ?
L’objectif de porter les dépenses militaires italiennes à 2 % du PIB répond à une exigence claire de l’OTAN et des États-Unis, mais pose de nombreuses questions quant à sa faisabilité économique et son acceptabilité sociale. Si l’effort budgétaire annoncé semble atteignable par des ajustements comptables et une redistribution des priorités, il risque d’accentuer des tensions internes sur les politiques sociales.
Sur le plan industriel, l’effort peut renforcer des acteurs stratégiques italiens comme Leonardo, Fincantieri, ou les chantiers navals régionaux, à condition que la politique d’acquisition favorise un tissu productif national. La dépendance à l’armement américain reste un facteur de fragilité stratégique et économique à moyen terme.
Enfin, l’Italie devra clarifier sa position géopolitique entre Washington et Bruxelles. L’UE offre des instruments de financement de la défense favorisant la souveraineté industrielle, mais exige des contreparties. Rome devra arbitrer entre son alignement atlantique et une politique industrielle européenne.
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