En 2024, Saab, Kongsberg et Patria ont atteint des sommets historiques en termes de commandes, reflétant l’augmentation significative des dépenses militaires en Europe face aux tensions géopolitiques croissantes.
En 2024, les entreprises européennes de défense, notamment Saab, Kongsberg et Patria, ont connu une croissance remarquable de leurs commandes, atteignant des niveaux sans précédent. Cette tendance est le reflet direct de l’augmentation des dépenses militaires en Europe, motivée par les tensions géopolitiques actuelles. Les commandes incluent des contrats majeurs pour des systèmes d’armement avancés, des véhicules blindés et des systèmes de surveillance, illustrant la volonté des nations européennes de renforcer leurs capacités de défense.
Analyse détaillée des performances de Saab en 2024
En 2024, Saab, le constructeur suédois réputé pour le chasseur Gripen et le fusil sans recul Carl-Gustaf, a enregistré une augmentation de ses commandes de 24 %, atteignant 96,8 milliards de couronnes suédoises (environ 8,9 milliards d’euros). Ce chiffre porte le carnet de commandes à un niveau record de 187 milliards de couronnes. Parmi les contrats notables figurent la fourniture de chasseurs Gripen à la Hongrie, des systèmes radar, des solutions de défense aérienne, des avions de surveillance GlobalEye, ainsi qu’une commande record de la Pologne pour le Carl-Gustaf.
Le chasseur Gripen est reconnu pour sa polyvalence et son coût d’exploitation relativement bas. La Hongrie, déjà opérateur du Gripen, a renforcé sa flotte, soulignant la confiance continue dans cet appareil. Le système de surveillance GlobalEye combine des capacités de radar aérien, maritime et terrestre, offrant une surveillance étendue, ce qui en fait un atout stratégique pour les forces armées modernes.
L’augmentation des commandes de Saab reflète une demande accrue pour des systèmes de défense avancés en Europe, une tendance alimentée par les préoccupations croissantes en matière de sécurité régionale.
Croissance significative des commandes pour Kongsberg
La société norvégienne Kongsberg a également connu une année exceptionnelle en 2024, avec une augmentation de 44 % de ses commandes dans le secteur de la défense et de l’aérospatiale, atteignant 54,4 milliards de couronnes norvégiennes (environ 4,85 milliards d’euros). Le carnet de commandes a atteint 101 milliards de couronnes, soit une hausse de 54 % par rapport à l’année précédente.
Parmi les contrats majeurs, Kongsberg a reçu sa plus grande commande de missiles de la part de la marine américaine et a conclu un accord avec les Pays-Bas pour la fourniture de batteries de défense aérienne. Ces succès renforcent la position de Kongsberg en tant que fournisseur clé de systèmes de défense avancés.
La société prévoit de commencer la construction d’usines de missiles aux États-Unis et en Australie en 2025, une initiative stratégique pour répondre à la demande croissante et renforcer sa présence sur ces marchés. De plus, Kongsberg se positionne pour le renouvellement de la flotte de frégates de la Norvège, ce qui pourrait ouvrir de nouvelles opportunités commerciales significatives.
Performance notable de Patria en 2024
En Finlande, Patria a rapporté une augmentation de ses commandes de 33 %, atteignant 1,26 milliard d’euros en 2024, portant son carnet de commandes à 2,38 milliards d’euros. Cette croissance est principalement due à la demande accrue pour ses véhicules blindés à six roues motrices.
Patria, détenue à 49,9 % par Kongsberg et le reste par le gouvernement finlandais, est un acteur clé dans le secteur des véhicules blindés et des systèmes de mortiers. La société a signé un contrat avec Kongsberg pour la livraison de stations d’armes téléopérées PROTECTOR pour plus de 300 véhicules 6×6 destinés à la Suède et à la Finlande dans le cadre du programme commun de véhicules blindés (CAVS). Les livraisons débuteront en 2025 et se poursuivront jusqu’aux années 2030.
Ce partenariat vise à améliorer l’interopérabilité militaire entre les nations nordiques et à renforcer l’efficacité logistique, conformément à la vision de l’OTAN en matière d’interchangeabilité des équipements et de sécurité d’approvisionnement.
Contexte des dépenses militaires mondiales
Les dépenses militaires mondiales ont atteint un niveau record en 2023, avec une augmentation de 6,8 % par rapport à l’année précédente, totalisant 2 443 milliards de dollars (environ 2 240 milliards d’euros). Cette hausse est la plus importante depuis 2009 et reflète l’intensification des tensions géopolitiques, notamment en Europe.
Les États-Unis restent le plus grand dépensier, avec 916 milliards de dollars investis en 2023, représentant 3,4 % de leur PIB. La Chine suit avec 296 milliards de dollars, soit 1,7 % de son PIB. La Russie, en raison de la guerre en Ukraine, a augmenté son budget militaire, atteignant 109 milliards de dollars, soit 5,9 % de son PIB.
En Europe, les dépenses de défense ont connu une augmentation notable. Par exemple, la Pologne, voisine de l’Ukraine, a enregistré une hausse de 75 % de ses dépenses militaires entre 2022 et 2023, la plus forte en Europe. Cette tendance reflète une volonté de renforcer les capacités militaires face aux menaces perçues. L’Allemagne a également augmenté ses dépenses en 2024, dépassant les 100 milliards d’euros, conformément à son engagement envers l’OTAN et son programme de modernisation de la Bundeswehr.
Impact des tensions géopolitiques sur l’industrie de défense européenne
L’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 a marqué un tournant dans les politiques de défense européennes. Les pays de l’OTAN, y compris ceux qui étaient historiquement moins enclins à investir massivement dans leur armée, ont revu leurs priorités budgétaires. Le budget de défense des pays de l’Union européenne devrait atteindre 326 milliards d’euros en 2024, contre 279 milliards d’euros en 2023, selon l’Agence européenne de défense (EDA). Cette augmentation illustre une volonté politique d’accroître la résilience militaire et de développer des capacités de défense plus autonomes.
Certains pays, comme la Pologne, plaident pour une augmentation du seuil minimal de 2 % du PIB dédié à la défense, actuellement fixé par l’OTAN. Varsovie dépense désormais 4 % de son PIB en matière de défense, dépassant largement la moyenne européenne. Le Royaume-Uni et la France suivent avec des dépenses tournant autour de 2,3 % et 2,1 % du PIB respectivement.
Le sommet de l’OTAN prévu en juin 2024 à La Haye pourrait aboutir à une révision des seuils budgétaires, et plusieurs experts militaires s’attendent à une hausse du niveau minimum de dépenses pour les membres de l’alliance.
Le positionnement stratégique de Saab et Kongsberg sur le marché international
Les entreprises de défense européennes, notamment Saab et Kongsberg, ont renforcé leur présence sur les marchés internationaux, tirant parti de la montée en puissance des dépenses militaires. Chez Saab, 72 % du carnet de commandes provient désormais de l’international, contre 64 % un an plus tôt. Les États-Unis, le Brésil, la Thaïlande, et d’autres pays asiatiques figurent parmi les clients stratégiques.
Kongsberg, de son côté, a vu une forte demande pour ses systèmes de défense aérienne et ses missiles. La commande de la marine américaine constitue un levier de croissance majeur, tout comme l’intégration de ses solutions en Europe de l’Est et en Scandinavie.
L’ouverture de nouvelles usines aux États-Unis et en Australie en 2025 marque une étape stratégique pour Kongsberg, qui cherche à sécuriser son approvisionnement et à répondre à une demande croissante dans ces marchés clés.
L’aviation militaire et les perspectives des nouveaux programmes de chasseurs
Dans le secteur aéronautique, Saab continue de miser sur le Gripen tout en préparant le futur. L’entreprise a mis en place une équipe de plus de 100 ingénieurs travaillant sur un concept de chasseur de nouvelle génération, qui intégrera une capacité autonome non habitée.
Le projet d’un drone d’escorte, similaire au programme SCAF (Système de Combat Aérien du Futur) dirigé par la France et l’Allemagne, prend forme. Saab pourrait chercher à intégrer ce système aux forces européennes, notamment dans un cadre OTAN. Actuellement, l’E-3 Sentry (AWACS) de Boeing, utilisé par l’OTAN, voit sa disponibilité chuter, ouvrant une opportunité pour le GlobalEye de Saab en tant que solution de remplacement.
L’Amérique latine est également un marché stratégique, avec Colombie et Pérou qui manifestent un intérêt pour le Gripen. Le Brésil, déjà utilisateur de cet avion, pourrait renforcer sa flotte dans les prochaines années.
Défis et retards du programme T-7 Red Hawk aux États-Unis
Malgré ces succès, Saab rencontre des difficultés avec son programme T-7 Red Hawk, développé en partenariat avec Boeing. La production de cet avion d’entraînement destiné à l’US Air Force accuse des retards, impactant la rentabilité du secteur aéronautique de Saab. Les tests en vol sont en cours, mais la montée en cadence industrielle ne devrait pas intervenir avant plusieurs années.
Ce retard complique la gestion des marges de Saab, qui dépend de la confirmation des contrats avec l’US Air Force. La lenteur administrative et les exigences réglementaires américaines ralentissent le processus, alors que la demande en avions d’entraînement modernes est en forte progression.
Une industrie de défense en pleine transformation
La forte progression des commandes chez Saab, Kongsberg et Patria en 2024 illustre une tendance plus large de réarmement massif en Europe et au-delà. Cette dynamique, alimentée par des tensions géopolitiques persistantes, pousse les entreprises de défense à renforcer leurs capacités de production et à étendre leur présence sur les marchés internationaux.
Les perspectives de croissance demeurent solides, notamment avec les efforts accrus des pays européens pour atteindre ou dépasser le seuil de 2 % du PIB en dépenses militaires. L’OTAN et l’Union européenne jouent un rôle clé dans cette expansion, à travers des commandes stratégiques et des investissements dans de nouveaux programmes.
Toutefois, les défis ne manquent pas : retards de production, dépendance aux décisions gouvernementales et concurrence accrue nécessiteront une agilité renforcée pour les industriels du secteur. Les évolutions du marché en 2025 seront déterminantes pour l’orientation future de la défense européenne.
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