
L’OTAN veut imposer une hausse de 30 % des capacités militaires aux États membres d’ici 2025 pour combler un déficit stratégique majeur.
L’OTAN prévoit une augmentation de 30 % des objectifs de capacités militaires pour ses 32 membres. Cette initiative répond à un déficit stratégique croissant, alors que les États membres sont déjà en retard de 30 % sur les objectifs actuels. L’objectif n’est pas uniquement de renforcer les effectifs, mais de fournir des capacités opérationnelles réelles, telles que des brigades mécanisées prêtes à l’emploi, des groupes navals ou aériens et des capacités offensives modernisées. 80 % des États ont déjà accepté ce relèvement, mais des écarts importants subsistent, notamment dans les contributions réelles et les budgets de défense. Ce changement structurel vise à équilibrer la charge entre les États-Unis et l’Europe, en insistant sur les investissements dans les armes de frappe longue portée, la guerre électronique, la défense aérienne intégrée et les technologies duales civiles-militaires.

L’objectif d’une hausse de 30 % des capacités militaires de l’OTAN
L’annonce d’un relèvement de 30 % des objectifs de capacités militaires constitue une transformation structurelle de la planification militaire de l’OTAN. Cet effort intervient alors que les pays membres accusent déjà 30 % de retard sur les objectifs actuels, selon l’amiral Pierre Vandier. La nouvelle exigence n’impose pas un simple volume d’effectifs ou de matériel, mais des capacités spécifiques prêtes à l’emploi : brigades mécanisées, groupes navals, escadrons de frappe.
Cette évolution s’inscrit dans une logique de projection et de préparation opérationnelle. Contrairement à une planification fondée sur des inventaires passifs, l’OTAN exige désormais une mise en condition opérationnelle concrète. L’objectif est de construire une force de réaction crédible, modulaire, mobile et interopérable, capable d’intervenir rapidement sur plusieurs théâtres.
D’un point de vue opérationnel, cette réforme implique une réévaluation de la structure de force de chaque pays : intégration de drones de combat, usage de munitions guidées, capacité de déploiement rapide, système de commandement numérique. Par exemple, une brigade mécanisée dotée de 20 % de drones armés serait considérée comme deux fois plus efficace selon l’OTAN, ce qui permettrait de répondre plus vite aux objectifs capacitaires.
Cette reconfiguration des priorités obligera chaque pays à revoir son modèle d’armée : les armées dites de « format », avec des unités peu opérationnelles, devront basculer vers des armées prêtes à l’engagement direct, avec un taux de disponibilité technique et humaine élevé. Cette transformation structurelle est cependant entravée par des investissements militaires insuffisants, en particulier en Europe.
Le déficit budgétaire et capacitaire des membres européens
Malgré l’objectif officiel fixé à 2 % du PIB en dépenses de défense, plus d’un tiers des pays européens de l’OTAN ne respectent pas cette norme. En 2024, seuls des pays comme la Pologne (3 %) ou le Royaume-Uni (2,3 %) dépassent la cible. À l’inverse, des pays majeurs comme l’Allemagne (1,6 %), l’Italie (1,5 %) ou l’Espagne (1,2 %) restent sous les seuils minimaux.
L’écart capacitaire s’en ressent fortement : selon les données projetées, la capacité effective de pays comme l’Allemagne ou l’Espagne se situe à 60 % et 50 % de la cible OTAN, générant un déficit structurel de 40 % à 50 %. Cette faiblesse n’est pas compensée par une réactivité industrielle suffisante. À l’opposé, la Pologne et les États-Unis affichent un taux de capacité supérieur à 90 %, en raison d’un effort combiné de dépenses et de capacités offensives.
La conséquence directe de ces retards est un déséquilibre de la charge militaire entre les États-Unis et l’Europe. Le United States European Command dispose d’un budget compris entre 60 et 70 milliards de dollars par an, intégrant environ 100 000 militaires déployés en Europe et la Sixième Flotte. Cette domination américaine des outils offensifs (artillerie de roquettes, frappes de précision, logistique stratégique) rend l’Europe structurellement dépendante.
Cette dépendance renforce les appels de Washington à une prise en charge autonome des capacités conventionnelles européennes, notamment dans le cas d’un retrait partiel des États-Unis de certains engagements logistiques ou aériens.
Offensive conventionnelle, frappes longue portée et guerre électronique
L’OTAN demande une reconstitution massive de capacités offensives conventionnelles. L’amiral Vandier a souligné la nécessité de réinvestir dans l’artillerie longue portée et les missiles balistiques tactiques, domaines aujourd’hui dominés par les stocks américains. L’exemple du projet European Long-range Strike Approach, basé sur des missiles de croisière terrestres à longue portée (au-delà de 500 km), constitue un axe stratégique pour la reconstitution de la dissuasion.
Actuellement, moins de 25 % des capacités de frappe longue portée sont européennes, contre plus de 70 % détenues par les États-Unis, selon les estimations du Defense News. Le rééquilibrage capacitaire passe par la création de chaînes de production locales, via MBDA ou KNDS, mais également par l’achat direct de munitions américaines à court terme (HIMARS, GLSDB, PrSM).
La guerre électronique est également identifiée comme un point critique. Les armées européennes disposent de capacités fragmentées, souvent obsolètes, alors que la guerre moderne nécessite des systèmes capables de brouiller les communications, neutraliser les radars et mener des cyberattaques intégrées.
Enfin, la suppression des défenses aériennes ennemies (SEAD) devient prioritaire. Sans capacité SEAD crédible, aucune opération aérienne n’est viable. Or, cette compétence est aujourd’hui détenue essentiellement par l’US Air Force.

L’enjeu des “enablers” : logistique, ravitaillement, ISR et commandement
L’OTAN insiste sur le renforcement des capabilités de soutien opérationnel, les “enablers”. Il s’agit d’investir dans la logistique stratégique, le ravitaillement en vol, les systèmes de renseignement, surveillance et reconnaissance (ISR), et les outils de commandement numérique.
Aujourd’hui, plus de 70 % du ravitaillement en vol et des moyens ISR sont fournis par les États-Unis. Sans ces capacités, même une armée équipée reste incapable de tenir une opération prolongée. L’objectif est d’assurer une montée en puissance européenne, avec des projets comme le MRTT (Multi Role Tanker Transport) ou l’initiative Eurodrone, mais les délais industriels dépassent souvent 10 à 15 ans pour une pleine capacité.
Le déficit en commandement numérique est aussi alarmant. Les systèmes de commandement interopérables OTAN (C2) restent insuffisants, surtout dans les armées secondaires. Les conflits récents en Ukraine et au Haut-Karabagh montrent pourtant l’importance du traitement temps réel des flux d’information tactique.
Technologies duales et militarisation de l’espace
L’OTAN pousse enfin à intégrer des technologies civiles à usage militaire : drones, IA, capteurs spatiaux, robotique, etc. La militarisation de l’espace devient un front opérationnel central. L’Europe doit faire face aux capacités russes et chinoises : satellites de brouillage, lasers orbitaux, systèmes de désorbitation hostiles.
Le recours aux capteurs satellitaires civils permet de mutualiser les coûts : les mêmes instruments qui détectent les feux de forêt peuvent identifier des mouvements militaires. Cette synergie repose sur une intégration industrielle civile-militaire, particulièrement en robotique, IA et systèmes autonomes.
Mais l’Europe reste largement en retard sur le plan des capacités spatiales actives. Les satellites d’observation militaires européens représentent moins de 20 % du total des capacités ISR spatiales disponibles dans l’OTAN.
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