Satellites chinois: des manœuvres de combat spatial observées en orbite

Satellites chinois: des manœuvres de combat spatial observées en orbite

Des satellites chinois ont effectué des manœuvres orbitales de type combat spatial, selon la Space Force américaine. Analyse technique.

Des satellites expérimentaux chinois ont réalisé en 2024 des manœuvres synchronisées en orbite basse terrestre, interprétées par la Space Force américaine comme une simulation de combat spatial. Cinq satellites — trois Shiyan-24C et deux Shijian-605 A et B — ont effectué des rendezvous et opérations de proximité, une capacité stratégique en expansion. Cette opération montre un niveau technique élevé en manœuvres orbitales actives, capable de menacer ou d’inspecter d’autres satellites. Le général Guetlein alerte sur le rétrécissement du différentiel capacitaire entre les États-Unis et ses compétiteurs directs. Ces évolutions questionnent les doctrines de supériorité spatiale et les vulnérabilités des infrastructures orbitales.

Capacités chinoises de manœuvres orbitales : une évolution technologique mesurable

Les manœuvres observées en 2024 dans l’orbite basse terrestre impliquant les satellites Shiyan-24C et Shijian-605 A et B traduisent une maîtrise croissante des opérations de rendezvous et de proximité (RPO). Ces opérations nécessitent un contrôle de trajectoire précis, une gestion fine de la propulsion orbitale et des systèmes de détection optique ou radar embarqués.

Selon les données orbitales analysées par les opérateurs civils et corroborées par la U.S. Space Force, les objets se sont déplacés à des vitesses relatives inférieures à 10 m/s, avec des approches inférieures à 50 mètres, seuil critique pour des interactions tactiques. Les Shiyan-24C, satellites de test technologique, sont conçus pour expérimenter des approches contrôlées et des comportements en environnement contraint.

Les Shijian-605 A et B sont soupçonnés d’intégrer des capteurs SIGINT (Signals Intelligence), capables de capter des transmissions électromagnétiques, renforçant l’idée d’une dualité entre manœuvre physique et surveillance passive. Cette capacité conjointe est essentielle pour intercepter des communications spatiales ou perturber des dispositifs adverses.

La Chine dispose d’un programme spatial structuré en trois volets : le programme civil CNSA, le programme militaire du PLASSF (People’s Liberation Army Strategic Support Force) et les structures semi-étatiques comme le CAST (China Academy of Space Technology). Les manœuvres de 2024 s’inscrivent dans ce triptyque stratégique.

En parallèle, la Chine a déjà testé en 2021 avec le satellite SJ-21 une opération de désorbitation contrôlée d’un satellite hors service, démontrant une capacité d’interception douce par contact physique.

Satellites chinois: des manœuvres de combat spatial observées en orbite

Conséquences militaires et stratégiques des manœuvres de type dogfighting orbital

Les rendezvous et opérations de proximité ne relèvent pas uniquement d’un exercice technologique. Ce sont des manœuvres préalables à des capacités de neutralisation cinétique ou non cinétique : brouillage, capture, déplacement, voire destruction ciblée. Dans un scénario tactique, un satellite manœuvrant peut neutraliser un satellite adverse sans recours à des missiles anti-satellites (ASAT), évitant ainsi les débris catastrophiques générés par une attaque cinétique.

Cette tendance s’intègre dans une dynamique mondiale de militarisation silencieuse de l’orbite basse, où les États-Unis, la Russie et la Chine développent des capacités dites “co-orbitales”. Le cas de Kosmos 2543 en 2020, un satellite russe ayant approché un satellite militaire américain à moins de 100 km, est un précédent dans cette logique de “harcèlement spatial”.

La doctrine américaine de “space superiority”, réaffirmée en 2023 dans le U.S. Space Force Vision Statement, repose désormais sur une posture duale : défensive par détection anticipée, offensive par dissuasion active. L’apparition d’engins de manœuvre chinois complexifie cette doctrine, car l’environnement orbital devient asymétrique, instable et difficilement interprétable en temps réel.

Selon le rapport du CSIS Space Threat Assessment 2024, plus de 100 satellites actifs chinois seraient en capacité de modifier leur orbite rapidement, une augmentation de 40 % en trois ans.

Les satellites commerciaux occidentaux, y compris ceux de Maxar, Slingshot Aerospace ou ExoAnalytic Solutions, sont devenus des outils critiques de surveillance comportementale, illustrant la montée en puissance de la cartographie comportementale orbitale via des capteurs civils.

Réduction du différentiel capacitaire entre grandes puissances spatiales

Le général Guetlein évoque un rétrécissement du différentiel technologique entre la Space Force et ses concurrents. Historiquement, les États-Unis ont dominé le segment de la surveillance et de l’intervention orbitale. Cependant, l’accélération du budget spatial chinois, passé de 5,8 milliards d’euros en 2015 à près de 12 milliards d’euros en 2023, modifie l’équilibre.

Le nombre de lancements orbitaux chinois en 2023 a atteint 67 missions, soit plus que les 63 missions américaines, avec un taux de succès supérieur à 97 %. Ces volumes offrent à Pékin une capacité d’implémentation rapide de nouvelles plateformes orbitales, notamment dans la bande LEO (Low Earth Orbit, entre 160 et 2 000 km), espace tactique privilégié pour le renseignement, la communication et la neutralisation.

La Chine prévoit par ailleurs la mise en orbite de 13 000 satellites pour sa constellation G60 Starlink-like, un projet concurrent des satellites LEO américains de SpaceX, rendant la gestion du trafic spatial plus dense, donc plus vulnérable aux brouillages et interférences.

Ce resserrement capacitaire oblige les États-Unis à investir dans de nouvelles technologies de résilience orbitale : satellites répliqués, architecture distribuée, satellites furtifs à faible signature radar, propulsion autonome, et IA embarquée pour décisions décentralisées.

Satellites chinois: des manœuvres de combat spatial observées en orbite

Perspectives opérationnelles et redéfinition des doctrines spatiales

Les manœuvres chinoises de 2024 imposent une redéfinition rapide des postures spatiales opérationnelles. Le modèle classique de dissuasion orbitale par arsenal ASAT devient obsolète face à des engins agiles, mimétiques et aux effets difficiles à attribuer immédiatement. Le “grey zone orbitale” devient le théâtre d’actions réversibles, discrètes et à faible coût politique.

Les doctrines OTAN, aujourd’hui centrées sur la défense terrestre et aérienne, devront intégrer la doctrine de la manœuvre orbitale adaptative, avec des satellites manoeuvrants en constellation et une capacité d’intervention coorbitale rapide. Des travaux prospectifs du RAND Corporation recommandent le déploiement de satellites intercepteurs discrets, capables de neutraliser une menace sans générer de débris.

La standardisation des manœuvres orbitales, par des normes internationales, est aujourd’hui inexistante. L’absence d’un traité sur les comportements militaires non-kinétiques dans l’espace laisse place à des interprétations variables et à une instabilité réglementaire stratégique.

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