Explorez l’Avro 523 Pike, bombardier biplan de 1916 : histoire, design, performances, missions et fin d’un prototype audacieux de la Grande Guerre.
L’Avro 523 Pike, premier avion nommé par Avro, est un biplan bimoteur conçu en 1916 par Roy Chadwick pour le Royal Naval Air Service. Pensé pour contrer les Zeppelins allemands et assurer des missions de reconnaissance et de bombardement léger, il ne dépasse pas le stade de prototype. Doté de deux moteurs Sunbeam Nubian de 119 kW, il atteint 156 km/h avec une endurance de 7 heures. Équipé de deux mitrailleuses Lewis de 7,7 mm et d’une capacité de 102 kg de bombes, ce triplace reste limité par sa conception dépassée. Seuls deux exemplaires existent : le 523 et le 523A, testés comme bancs d’essai jusqu’en 1918. Cet article détaille son développement, ses caractéristiques et son abandon face à des appareils plus performants.
L’historique du Avro 523 Pike
L’Avro 523 Pike voit le jour en 1916, fruit des travaux de Roy Chadwick, jeune ingénieur chez Avro depuis 1911. Cette firme, fondée en 1910 à Manchester, cherche alors à répondre aux besoins du Royal Naval Air Service (RNAS). L’objectif est clair : créer un appareil capable d’intercepter les Zeppelins allemands, tout en assurant des missions de reconnaissance longue portée et de bombardement léger. Ce projet s’inscrit dans une période d’expérimentation intense, où les biplans dominent encore les cieux de la Première Guerre mondiale.
Le premier prototype décolle en mai 1916 depuis Hamble, site choisi par Avro pour ses essais navals. Propulsé par deux moteurs Sunbeam Nubian de 119 kW (160 ch) chacun, il subit une évaluation par l’Amirauté britannique en novembre de la même année. Les résultats déçoivent : malgré des qualités, l’appareil est jugé obsolète face aux nouveaux standards aéronautiques. Un second prototype, le 523A, équipé de moteurs Green E.6 de 112 kW (150 ch), est construit pour tenter d’améliorer ses performances. Cependant, aucun contrat de production ne suit.
Seuls ces deux exemplaires sont réalisés, sous les numéros de chantier estimés à 2230 et 2231. L’Avro 523 Pike ne passe pas le cap des prototypes. Il sert néanmoins de banc d’essai pour tester des concepts moteurs et aérodynamiques jusqu’à la fin de la guerre en 1918. Ce projet marque une étape dans l’histoire d’Avro, illustrant ses ambitions avant des succès comme l’Avro 504 ou le Lancaster.
Le design du Avro 523 Pike
L’Avro 523 Pike adopte une configuration biplan classique, avec des ailes égales de 18,3 m d’envergure, réparties sur trois baies. Les ailes, soutenues par des mâts parallèles, sont en bois recouvert de toile, une norme en 1916. Le fuselage, long de 11,9 m, abrite trois cockpits ouverts : le pilote au centre, un mitrailleur à l’avant et un autre à l’arrière. Cette disposition offre une bonne visibilité, mais expose l’équipage aux conditions extérieures.
Les moteurs Sunbeam Nubian, chacun de 119 kW, sont montés entre les ailes en configuration poussée. Ils entraînent des hélices bipales via des arbres d’extension, un choix visant à dégager les ailes arrière. Le 523A opte pour des Green E.6 de 112 kW, avec des hélices tractrices et des radiateurs frontaux de type automobile. Le train d’atterrissage fixe repose sur deux roues principales et une béquille arrière, assurant une stabilité au sol.
L’armement comprend deux mitrailleuses Lewis de 7,7 mm, l’une à l’avant sur un montage flexible, l’autre à l’arrière. Une soute interne peut accueillir deux bombes de 51 kg (112 lb), soit 102 kg au total. Avec un poids à vide de 1 814 kg et une masse maximale de 2 751 kg, le Pike reste dans la moyenne des biplans de l’époque. Sa hauteur de 3,6 m complète un design robuste, mais alourdi par une structure complexe face aux appareils plus légers comme le Short Bomber.

La performance du Avro 523 Pike
Le Pike tire sa puissance de deux moteurs Sunbeam Nubian de 119 kW, offrant une vitesse maximale de 156 km/h à basse altitude. Cette valeur, correcte en 1916, reste inférieure aux 175 km/h du Short Bomber, un concurrent direct. Son taux de montée atteint 2,6 m/s, permettant d’atteindre 1 524 m (5 000 ft) en 9 minutes et 30 secondes. À pleine charge, il grimpe à 3 048 m (10 000 ft) en 27 minutes, une performance acceptable pour un biplan lourd.
L’endurance, estimée à 7 heures, repose sur une capacité de carburant suffisante pour environ 650 km de rayon d’action. Cela convient aux missions de reconnaissance longue portée prévues par le RNAS. Avec une surface alaire de 75,7 m², la charge alaire avoisine 36 kg/m², assurant une portance solide mais pénalisée par une traînée notable due aux entretoises et aux câbles.
Le 523A, avec ses moteurs Green E.6 de 112 kW, ne montre pas d’amélioration significative. Les essais révèlent une maniabilité limitée à haute vitesse et une sensibilité aux turbulences. Comparé au Handley-Page O/100, capable de 124 km/h avec une charge utile de 900 kg, le Pike manque de compétitivité. Ces lacunes expliquent son rejet par l’Amirauté, qui privilégie des designs plus adaptés aux exigences opérationnelles de 1916-1917.
Les variants du Avro 523 Pike
Le programme Avro 523 Pike donne naissance à deux versions distinctes. Le premier prototype, simplement appelé 523, utilise des moteurs Sunbeam Nubian de 119 kW en configuration poussée. Construit en mai 1916, il sert de base pour les essais initiaux. Sa structure reste fidèle au concept original de Roy Chadwick : un biplan triplace axé sur la polyvalence.
Le second, désigné 523A, introduit des modifications notables. Il adopte des moteurs Green E.6 de 112 kW, refroidis par eau, avec des hélices tractrices. Cette inversion vise à réduire la traînée et à améliorer le refroidissement, les radiateurs étant placés à l’avant des nacelles. Le 523A intègre aussi un anneau Scarff pour la mitrailleuse avant, offrant une meilleure mobilité au tireur. Testé fin 1916, il ne convainc pas davantage l’Amirauté.
Aucun autre variant n’émerge. Des projets comme le 523B ou 523C, avec des moteurs Sunbeam ou Rolls-Royce plus puissants, sont envisagés mais abandonnés. Le Pike reste limité à ces deux prototypes, sans évolution significative. Leur rôle se cantonne à des tests expérimentaux, loin d’une production en série. Cette stagnation reflète les limites techniques et les priorités changeantes du RNAS, qui se tourne vers des bombardiers plus lourds comme l’Avro 529, dérivé indirect du Pike.
Les missions du Avro 523 Pike au combat
L’Avro 523 Pike n’a jamais été déployé en combat réel. Conçu pour le RNAS, il devait contrer les Zeppelins allemands, menace majeure en 1916 avec des raids sur Londres. Sa mission principale prévoyait l’interception de ces dirigeables grâce à ses deux mitrailleuses Lewis de 7,7 mm, efficaces jusqu’à 600 m. L’équipage triplace – pilote et deux tireurs – offrait une couverture défensive et offensive adaptée.
En parallèle, le Pike visait des tâches de reconnaissance longue portée. Avec 7 heures d’endurance, il pouvait surveiller les côtes ennemies ou les mouvements navals en mer du Nord. Son rôle secondaire de bombardement léger, avec 102 kg de bombes, ciblait des positions terrestres ou des navires légers. Cependant, ces capacités restent théoriques : aucun rapport ne mentionne son usage opérationnel.
Le prototype 523 vole en mai 1916, suivi du 523A fin 1916, mais l’évaluation de l’Amirauté stoppe net son avenir. À cette période, les Zeppelins perdent de leur importance face aux chasseurs monoplans et aux défenses antiaériennes. Le Pike, trop lent et peu évolutif, ne rivalise pas avec le Short Bomber ou le Handley-Page O/100, déjà en service. Son absence des combats souligne un décalage entre sa conception et les réalités tactiques de la guerre.
Le dernier mot
L’Avro 523 Pike s’éteint sans marquer l’histoire opérationnelle. Après son rejet par l’Amirauté en novembre 1916, les deux prototypes – 523 et 523A – servent de bancs d’essai jusqu’en 1918. Basés à Hamble, ils permettent à Avro de tester des moteurs, des hélices et des ajustements aérodynamiques. Aucun ne rejoint les escadrilles du RNAS ou du RFC, et leur production s’arrête là.
En 1917, le RNAS privilégie le Short Bomber, plus agile avec ses 160 km/h et sa charge de 417 kg. Le RFC, lui, adopte le Handley-Page O/100, capable de missions stratégiques lourdes. Le Pike, limité à 156 km/h et 102 kg de bombes, ne répond plus aux besoins. L’arrivée de biplans plus avancés, comme le Bristol F.2B (200 km/h), scelle son sort.
Son concept inspire toutefois l’Avro 529, un bombardier longue portée commandé en deux exemplaires en 1917. Mais ce successeur indirect ne dépasse pas non plus le stade expérimental. Le Pike disparaît des priorités d’Avro, qui se concentre ensuite sur des modèles à succès comme l’Avro 504. Il reste un exemple des tâtonnements technologiques de 1916, vite eclipsé par l’évolution rapide de l’aviation militaire.
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