Le Curtiss JN-4 (Jenny) fut l’avion d’entraînement principal des pilotes américains durant la Première Guerre mondiale, produit à plus de 6 800 exemplaires.
Le Curtiss JN-4 (Jenny) est un avion d’entraînement biplan produit aux États-Unis dès 1915. Il a formé près de 90 % des pilotes américains durant la Première Guerre mondiale. Conçu à partir des modèles Curtiss J et N, il est motorisé par un moteur Curtiss OX-5 de 90 chevaux. Le Jenny a aussi été utilisé par le Canada, le Royaume-Uni et, plus tard, en usage civil. Son architecture classique à ailes décalées et sa robustesse ont permis une formation fiable. Décliné en plusieurs variantes, dont la JN-4D et la JN-4H, il a aussi servi dans des missions de reconnaissance et de liaison. Remplacé dans les années 1920, le JN-4 est resté un warbird historique de référence, notamment pour ses apparitions dans le barnstorming et dans le premier service postal aérien américain.
L’historique du Curtiss JN-4 (Jenny)
Le Curtiss JN-4 (Jenny) a été développé par Curtiss Aeroplane and Motor Company en 1915, pour répondre aux besoins de formation de l’U.S. Army Signal Corps. Le développement du Jenny est le résultat de la fusion technique des modèles Model J et Model N, d’où la désignation « JN ».
Les premiers essais de prototypes JN-1 et JN-2 ont conduit à des révisions structurelles importantes après des problèmes de stabilité. Le JN-3, mis en service dès 1915, participe à des opérations de surveillance lors de l’intervention américaine contre Pancho Villa au Mexique. Cette version préfigure les modèles plus aboutis.
La véritable production de masse commence avec le JN-4, qui intègre des améliorations aérodynamiques et une meilleure répartition des commandes de vol. La production atteint un pic entre 1917 et 1918, avec plus de 6 800 exemplaires construits, dont 2 765 JN-4D.
Le Canada adapte également le modèle sous licence. Plus de 1 260 exemplaires JN-4 (Can) sont assemblés par Canadian Aeroplanes Ltd, principalement pour le Royal Flying Corps.
Le Curtiss JN-4 (Jenny) s’impose rapidement comme la base standard de formation pour les armées nord-américaines et britanniques. Il sert aussi à la sensibilisation au vol motorisé dans la population civile après-guerre.

Le design du Curtiss JN-4 (Jenny)
Le Curtiss JN-4 (Jenny) est un biplan à structure bois et toile, caractéristique des conceptions de la Première Guerre mondiale. Il présente une configuration à ailes décalées avec double baies soutenues par des mâts et haubans.
Le fuselage, en bois recouvert de toile, mesure 8,38 mètres de long. L’envergure atteint 13,31 mètres, et la hauteur totale est de 3,12 mètres. Le train d’atterrissage est fixe, à deux roues avant avec une patin de queue arrière.
Les deux cockpits en tandem sont ouverts. Le poste avant est destiné à l’élève, le poste arrière à l’instructeur. La visibilité latérale est correcte, mais l’emplacement moteur gêne la vision frontale. Aucun blindage ni armement n’est intégré sur la plupart des versions.
Le moteur Curtiss OX-5, un V8 à refroidissement liquide, est monté en traction. Il développe 90 chevaux (67 kW). Cette motorisation permet une simplicité d’entretien, mais impose des limitations en termes de performance.
Le système de contrôle repose sur des surfaces de commande classiques : ailerons, gouvernes de profondeur et de direction. Le JN-4D introduit un manche de commande (control stick), inspiré de la version canadienne, en remplacement des leviers d’antan.
La structure légère et les performances limitées rendent l’appareil accessible aux débutants, tout en exposant à certains risques lors de vents transversaux ou d’erreurs de pilotage.
La performance du Curtiss JN-4 (Jenny)
Le Curtiss JN-4 (Jenny) affiche des performances modestes mais suffisantes pour les besoins de formation initiale. Le moteur OX-5 entraîne une vitesse maximale de 121 km/h, avec une vitesse de croisière de 97 km/h. Le rayon d’action est de 300 kilomètres, avec une autonomie de vol d’environ 2 h 15 min.
Le plafond pratique atteint 1 980 mètres, ce qui limite l’usage à des vols de proximité, adaptés aux zones de formation. Le taux de montée est de 120 m/min, contraignant en situation de décollage avec vent contraire.
Le poids à vide est de 635 kg, pour une masse maximale au décollage de 880 kg. La charge utile reste réduite : deux personnes, quelques instruments de navigation et parfois un petit lot d’équipements pour missions spéciales (observation, ambulance légère).
La consommation moyenne de carburant s’établit à environ 38 litres par heure, avec un réservoir de 76 litres, basé sur une essence aviation de type 55 octane. Le coût d’exploitation moyen d’un Jenny à l’époque variait autour de 5 à 6 dollars/heure, soit environ 150 à 180 € actuels.
L’entretien, relativement simple pour un mécanicien formé, exige toutefois une surveillance constante des câbles de tension et des coutures de toile.
Les variants du Curtiss JN-4 (Jenny)
Le Curtiss JN-4 (Jenny) a donné lieu à de nombreuses variantes, chacune répondant à des spécificités techniques ou à des besoins d’usage militaire.
Le modèle de base JN-4 est suivi rapidement du JN-4A, construit à 781 exemplaires, caractérisé par une queue agrandie et des réglages mineurs de stabilité.
Le JN-4B, en 85 unités, adopte un moteur Curtiss OX-2 de 85 chevaux et une queue de plus grande surface. Ce modèle est utilisé aussi bien par l’U.S. Army que par l’U.S. Navy.
Le JN-4C reste expérimental : deux prototypes seulement, sans suite en production.
La version la plus répandue est le JN-4D, produite à 2 765 exemplaires, avec une configuration améliorée du poste de pilotage, une nouvelle commande de vol et des réglages fins sur les ailes et gouvernes.
Le JN-4 (Can), assemblé au Canada à 1 260 exemplaires, introduit un train d’atterrissage renforcé, une structure allégée et des modifications des ailes pour répondre aux contraintes climatiques locales.
Le JN-4H, conçu comme formateur avancé, est motorisé par un Wright-Hispano E de 150 chevaux (112 kW). Il est construit à 929 exemplaires, déclinés en sous-versions :
- JN-4HT : version générique de formation,
- JN-4HB : version pour la formation au bombardement,
- JN-4HG : version dédiée au tir,
- JN-4HM : version de liaison et de transmission.
Enfin, le JN-6, produit à 1 035 unités, reprend la cellule du JN-5 avec des renforts structuraux. Il est aussi divisé en variantes :
- JN-6BH : bombardement,
- JN-6HG-1/2 : tir,
- JN-6HO : observateur,
- JN-6HP : combat.
Dans les années 1920, plusieurs centaines de Jenny furent modernisés sous l’appellation JNS. Les moteurs modernisés portaient la puissance jusqu’à 180 chevaux, doublant quasiment les performances initiales.

Les missions du Curtiss JN-4 (Jenny) au combat
Le Curtiss JN-4 (Jenny) n’était pas destiné à un usage offensif direct. Son rôle principal reste la formation des pilotes, ce qui représente pourtant une fonction stratégique pendant la Première Guerre mondiale. En effet, près de 90 % des pilotes américains ont été formés sur cet appareil entre 1917 et 1918.
Il participe néanmoins à des opérations d’appui indirect :
- Lors de la campagne contre Pancho Villa (1916), le JN-3 effectue des missions de reconnaissance.
- Le JN-4H, plus puissant, permet aux pilotes d’effectuer des simulations de bombardement et de tir avant leur engagement en France.
- Quelques modèles sont modifiés pour des usages ponctuels : ambulance aérienne légère, liaison, observation.
Le Jenny reste absent des zones de front, en raison de ses performances limitées, de son manque de protection, et de son absence d’armement embarqué sur les versions de base.
Son rôle se révèle néanmoins crucial dans la standardisation de la formation aérienne militaire. L’U.S. Army Signal Corps, le Royal Flying Corps et l’U.S. Navy bénéficient tous de son emploi régulier pour les classes pilotes.
L’impact du JN-4 ne se mesure pas en missions de combat directes, mais en capacité de préparation opérationnelle des forces aériennes alliées. Il a constitué une plateforme de transition indispensable avant la prise en main d’avions de chasse ou de bombardement plus complexes comme le SPAD XIII ou le DH.4.
Un dernier mot sur le Curtiss JN-4 (Jenny)
L’utilisation militaire du Curtiss JN-4 (Jenny) décline rapidement après la fin de la guerre en 1918. Les appareils encore en service sont progressivement retirés entre 1919 et 1923, au profit d’avions plus modernes, comme le Consolidated PT-1 Trusty, doté de structures métalliques et de commandes de vol plus évoluées.
Des centaines de Jenny sont vendus aux enchères à des particuliers, à des prix très bas (environ 200 dollars de l’époque, soit 6 000 € actuels). Cela explique sa présence durable dans les circuits civils :
- Il devient le premier avion postal américain, dès 1918, sur les lignes Washington – New York – Philadelphie.
- Il participe à l’âge du barnstorming dans les années 1920, avec des figures acrobatiques lors de meetings.
- Le Jenny reste également populaire au Canada, en Argentine et à Cuba.
Il est resté dans l’imaginaire collectif par le célèbre timbre Inverted Jenny (1918), représentant un Jenny imprimé à l’envers, objet de collection très rare.
Malgré ses limites techniques, le Curtiss JN-4 (Jenny) s’inscrit dans l’histoire aéronautique comme l’un des warbirds les plus produits de son époque, et le principal avion d’entraînement militaire américain durant la Première Guerre mondiale.
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