Les Halberstadt D.II et D.III étaient des chasseurs biplans allemands utilisés pendant la Première Guerre mondiale. Développés en 1916, ils ont marqué une étape importante dans l’évolution de l’aviation militaire allemande.
Les Halberstadt D.II et D.III, développés en 1916, ont été parmi les premiers chasseurs biplans de la Luftstreitkräfte. Le D.II était équipé d’un moteur Mercedes D.II de 120 ch, tandis que le D.III utilisait un moteur Argus As.II de même puissance. Ces appareils, bien que rapidement surpassés par les Albatros D.I et D.II, ont joué un rôle clé dans la transition des monoplans Fokker vers des chasseurs biplans plus performants.
L’historique des Halberstadt D.II et D.III
En 1915, l’aviation militaire allemande (Luftstreitkräfte) subit une perte de supériorité aérienne face aux nouveaux chasseurs français Nieuport 11 et britanniques Airco DH.2. Le Fokker Eindecker, jusqu’alors dominant, devient techniquement dépassé. Il manque de manœuvrabilité, de vitesse et de stabilité en piqué. L’état-major allemand demande alors un nouveau chasseur monoplace, plus performant et adapté aux combats aériens modernes.
La société Halberstädter Flugzeugwerke, installée en Saxe-Anhalt, propose un prototype en 1915, le Halberstadt D.I. Ce modèle, équipé d’un moteur Argus As.I, effectue quelques essais, mais sa conception reste trop rudimentaire. L’ingénieur Karl Theis, en charge du projet, améliore le modèle en 1916 pour produire le Halberstadt D.II. Ce dernier reçoit un moteur plus fiable, le Mercedes D.II, un cockpit mieux positionné pour améliorer la visibilité et une cellule renforcée. La Luftstreitkräfte valide le modèle, et les premières livraisons ont lieu au printemps 1916.
Le Halberstadt D.II devient ainsi l’un des premiers chasseurs biplans allemands à entrer en service opérationnel. Il est rapidement affecté aux Kampfeinsitzer-Kommandos (KEK), des unités provisoires de chasse monoplaces formées pour assurer la protection des reconnaissances aériennes. Le D.II s’impose comme une transition entre les Eindecker et les futurs Albatros. Il n’est pas conçu pour surpasser ses homologues ennemis, mais pour fournir une solution immédiate face à la crise tactique.
Une version alternative, le Halberstadt D.III, est mise au point en parallèle. Elle reprend la même cellule que le D.II, mais reçoit un moteur Argus As.II de puissance équivalente (environ 120 chevaux, soit 89 kW). Le D.III ne présente pas d’améliorations majeures mais permet une diversification de la production en cas de pénurie de moteurs Mercedes. Les deux modèles sont produits conjointement en 1916.
La production du D.II est lancée avec un premier lot de 12 appareils, suivi d’une commande de 24 unités supplémentaires. Le D.III est produit à 30 exemplaires. Deux autres entreprises, Aviatik et Hannover, fabriquent le D.II sous licence sous les noms Aviatik D.I et Hannover D.I, ajoutant également 30 unités chacune à la flotte.
Dès la fin 1916, l’arrivée du Albatros D.I, beaucoup plus rapide, mieux armé et plus solide, entraîne un retrait progressif du Halberstadt D.II des premières lignes. En 1917, il est relégué à des fonctions d’entraînement ou utilisé sur des théâtres secondaires, comme celui du Moyen-Orient, où des exemplaires sont livrés aux forces de l’Empire ottoman.
La série Halberstadt D. marque donc une phase transitoire essentielle dans l’évolution du chasseur allemand. Bien que rapidement remplacée, elle a joué un rôle central dans la structuration tactique des premières escadrilles de chasse.

Le design des Halberstadt D.II et D.III
Le Halberstadt D.II reprend les bases du prototype D.I mais apporte des modifications significatives pour répondre aux besoins des unités de chasse de 1916. La cellule est conçue selon une architecture biplan décalée (staggered wings), avec une aile supérieure avancée par rapport à l’aile inférieure, ce qui améliore la visibilité vers le bas et la stabilité longitudinale. Les ailes sont dotées de mâts interplans en bois et de haubans en câbles d’acier, typiques des constructions de cette période. L’envergure est d’environ 8,70 mètres, la longueur de 7,30 mètres et la hauteur de 2,60 mètres, pour une surface alaire totale de 22 m².
La structure du fuselage est réalisée en bois à section rectangulaire, renforcée par des longerons et des couples, le tout recouvert de toile. Le poste de pilotage est ouvert, positionné plus haut que sur le D.I pour offrir une meilleure visibilité vers l’avant. Il est situé juste derrière l’aile supérieure, ce qui limite néanmoins la vision directe vers le haut. L’ergonomie du cockpit reste sommaire, avec un tableau de bord minimaliste, un manche central et un levier pour le contrôle du moteur.
Le groupe motopropulseur du D.II est un Mercedes D.II, moteur six cylindres en ligne refroidi par liquide, développant 120 chevaux (89 kW). Il est couplé à une hélice en bois bipale à pas fixe, montée à l’avant du fuselage. Le refroidissement est assuré par un radiateur monté sur l’aile supérieure, ce qui libère de l’espace dans le fuselage et permet un meilleur équilibre thermique.
Le Halberstadt D.III reprend le même fuselage, mais est équipé du Argus As.II, un moteur à refroidissement par liquide de même puissance mais légèrement plus lourd. Ce changement ne modifie ni les dimensions ni l’armement, mais affecte la répartition des masses et la consommation.
L’empennage est de conception classique : dérive et gouverne de direction de forme arrondie, plan fixe horizontal avec gouvernes de profondeur. Le tout est contrôlé par un système de câbles. Le train d’atterrissage est fixe, composé de deux roues montées sur un essieu rigide avec des amortisseurs en sandow, et d’une béquille arrière.
L’armement principal des deux modèles consiste en une mitrailleuse LMG 08/15 de calibre 7,92 mm, synchronisée avec l’hélice grâce au dispositif de tir développé par Fokker. Montée sur le flanc droit du capot moteur, elle est accessible pour rechargement ou déblocage depuis le cockpit. Le D.II ne disposait pas de viseur optique perfectionné, le tir se faisait à l’estime via un guidon métallique aligné avec la ligne de vol.
Le Halberstadt D.II fut l’un des premiers chasseurs biplans allemands réellement produits en série, avec une construction simple mais robuste, pensée pour une production rapide. Les retours des pilotes soulignaient une maniabilité correcte à basse et moyenne altitude, mais une tendance au roulis important à grande vitesse. Le D.III ne corrigea pas cette lacune.
Le design du Halberstadt D. Series, bien qu’éphémère, introduit plusieurs caractéristiques techniques qui seront améliorées et pérennisées sur les modèles ultérieurs comme l’Albatros D.III : cockpit surélevé, armement fixe synchronisé, et cellule biplan à bonne portance.
Les performances des Halberstadt D.II et D.III
Les performances du Halberstadt D.II reflètent la situation technique de l’industrie aéronautique allemande en 1916 : des solutions provisoires pour répondre à un besoin immédiat de remplacement des monoplans Fokker Eindecker. Le D.II, propulsé par un moteur Mercedes D.II à six cylindres en ligne refroidi par liquide, délivrait une puissance de 120 chevaux (89 kW). Cette motorisation permettait à l’appareil d’atteindre une vitesse maximale d’environ 145 km/h, mesurée à altitude moyenne.
L’autonomie du D.II était d’environ 330 kilomètres, avec une capacité de carburant estimée à 90 litres, répartie dans des réservoirs internes. Cette portée le rendait apte aux missions de protection de reconnaissance ou d’interception locale, mais insuffisante pour des patrouilles prolongées en profondeur. Le plafond opérationnel était de 4 200 mètres, atteints après environ 18 minutes de montée, ce qui correspond à un taux d’ascension proche de 3,9 m/s en phase initiale. Ce taux diminuait rapidement avec l’altitude en raison de la faible suralimentation du moteur.
Le Halberstadt D.III, équipé du moteur Argus As.II, développait lui aussi 120 chevaux, mais avec des performances légèrement inférieures à cause du poids accru du groupe propulseur et d’un rendement thermique plus faible. La vitesse maximale était réduite à 140 km/h et la montée initiale plus lente. En contrepartie, la consommation de carburant était plus stable à régime constant, ce qui prolongeait légèrement la durée de vol utile.
La structure légère en bois et toile permettait une bonne maniabilité à basse altitude. Les commandes de profondeur et d’ailerons répondaient rapidement aux sollicitations, mais l’appareil souffrait de lacunes en roulis. Les virages brusques engendraient une perte d’altitude significative, ce qui compliquait l’engagement en combat tournoyant prolongé, notamment face aux Nieuport 11 français, plus agiles et plus rapides. Le D.II n’était pas conçu pour l’attaque frontale prolongée, mais pour des engagements courts et des manœuvres défensives.
En piqué, le fuselage monocoque manquait de rigidité, ce qui entraînait des vibrations à grande vitesse, parfois jugées préoccupantes par les pilotes. Le facteur de charge maximal supporté par la cellule était estimé à +4,5 g, au-delà duquel la structure présentait un risque de rupture des haubans interplans.
L’armement, constitué d’une unique mitrailleuse LMG 08/15 de 7,92 mm, offrait une cadence de tir théorique de 500 à 600 coups par minute, mais la synchronisation mécanique réduisait l’efficacité réelle à environ 350 coups/min, avec une bande de 500 cartouches. Cela limitait l’avion à des engagements brefs, nécessitant une précision maximale.
En termes de masse, le D.II affichait un poids à vide d’environ 600 kg, pour un poids maximal au décollage de 835 kg. Le rapport poids/puissance se situait donc à 6,95 kg/ch, ce qui est moyen pour l’époque. Le D.III, plus lourd, dépassait 880 kg en charge maximale.
Face à ces données, le Halberstadt D. Series ne pouvait rivaliser durablement avec les chasseurs alliés plus récents. Néanmoins, ses performances jugées correctes pour 1916 lui permirent de remplir un rôle utile en transition, le temps que des modèles plus efficaces comme le Albatros D.I prennent le relais dans les escadrilles de première ligne.
Les missions du Halberstadt D. Series au combat
L’entrée en service du Halberstadt D.II au printemps 1916 coïncide avec une phase critique du conflit aérien sur le front occidental. Les chasseurs alliés, notamment le Nieuport 11 français et l’Airco DH.2 britannique, ont mis fin à la supériorité allemande acquise lors de la période dite du « Fokker Scourge » en 1915. La Luftstreitkräfte se voit contrainte de restructurer ses unités de chasse, jusque-là dispersées et mal coordonnées. C’est dans ce contexte que les Halberstadt D.II sont affectés aux premières formations de chasse monoplaces, les Kampfeinsitzer-Kommandos (KEK).
Ces unités expérimentales sont souvent constituées à partir d’escadrilles d’observation déjà existantes, autour d’un ou deux chasseurs Halberstadt chargés de protéger les avions de reconnaissance et de harceler l’aviation adverse. Le D.II est rapidement employé pour des patrouilles défensives, des escortes rapprochées, ainsi que des missions d’interception de ballons d’observation ennemis.
En juillet 1916, à l’occasion de la bataille de la Somme, les Halberstadt D.II sont engagés dans des conditions particulièrement défavorables. Leur rayon d’action limité et leur plafond modeste ne permettent pas de rivaliser efficacement avec les appareils alliés opérant à haute altitude. Toutefois, dans des situations de combat rapproché ou en vol à basse altitude, leur manœuvrabilité est suffisante pour affronter des avions d’observation non protégés ou des chasseurs légers.
Les pilotes comme Oswald Boelcke et Manfred von Richthofen, bien que plus célèbres pour leurs exploits à bord des Albatros, ont effectué leurs premières missions de chasse sur des Halberstadt. Boelcke, en particulier, met en pratique sur ce type d’appareil ses principes tactiques qui seront plus tard formalisés dans la doctrine allemande de chasse, connue sous le nom de Dicta Boelcke. Ces tactiques incluent l’approche par le soleil, l’attaque groupée, le maintien de l’initiative et le respect de l’avantage de position.
Le D.III, bien que techniquement équivalent, est affecté à des zones moins critiques, notamment en Mésopotamie et en Palestine, au sein des unités de l’Empire ottoman allié de l’Allemagne. Là, face à une aviation britannique encore peu structurée, les D.III connaissent un usage plus prolongé. Ils escortent les avions de reconnaissance allemands Rumpler ou LVG et mènent quelques engagements contre des appareils britanniques BE2 et Martinsyde.
Sur le front de l’Est, plusieurs D.II sont également déployés en Lituanie et Pologne, au sein de groupes d’aviation mixtes. Ils remplissent un rôle polyvalent, de la reconnaissance armée à la chasse légère, en raison de la faiblesse relative de l’aviation russe dans cette zone.
En dépit de ces affectations diverses, les Halberstadt D. Series révèlent rapidement leurs limites opérationnelles. Leur armement unique, leur vitesse inférieure et leur plafond modeste réduisent leur efficacité face aux nouveaux modèles alliés introduits dès la fin 1916 (Nieuport 17, SPAD VII, Sopwith Pup). Leurs pertes augmentent, et dès janvier 1917, les D.II et D.III sont progressivement retirés des unités de première ligne.
Ils sont alors réaffectés aux écoles de pilotage pour l’entraînement avancé, où leur comportement en vol, jugé docile à basse vitesse, est apprécié pour former les jeunes pilotes à la chasse. Certains sont encore en activité dans des fonctions secondaires jusqu’à l’été 1917, notamment dans les Balkans.
Le bilan opérationnel des Halberstadt D. Series est contrasté. S’ils n’ont pas dominé le ciel, ils ont permis à l’aviation allemande de tenir une position défensive efficace en attendant l’arrivée d’appareils plus modernes. Ils ont également servi de plateforme d’expérimentation tactique, ce qui a contribué à la structuration des unités de chasse allemandes.
Un dernier mot
Les Halberstadt D.II et D.III ont joué un rôle important dans la transition vers des chasseurs biplans plus avancés au sein de la Luftstreitkräfte. Bien qu’ils aient été rapidement remplacés par des modèles plus performants, leur contribution au développement de l’aviation de chasse allemande pendant la Première Guerre mondiale reste notable.
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