Le Nieuport 11 (Bebe) a joué un rôle clé en 1916 dans la supériorité aérienne alliée. Analyse technique et historique détaillée de l’appareil.
Le Nieuport 11 (Bebe) est un chasseur monomoteur français entré en service en 1916. Léger, agile, simple à produire, il a contribué à briser la domination des Fokker Eindecker allemands. Issu du développement du Nieuport 10, il embarquait un moteur Le Rhône 9C de 80 ch et un armement limité à une mitrailleuse Lewis montée en haut d’aile. Ses performances de manœuvrabilité et de montée ont compensé l’absence de synchronisation de tir. Produit à plus de 7 200 exemplaires, il fut engagé avec efficacité pendant la bataille de Verdun et dans d’autres théâtres. Remplacé dès 1917 par le Nieuport 17, il reste une pièce importante de l’aviation de chasse de la Première Guerre mondiale.

L’historique du Nieuport 11 (Bebe)
Le Nieuport 11 C1, surnommé Bebe, entre en service en janvier 1916 dans un contexte de déséquilibre aérien. L’aviation allemande domine alors le front occidental avec ses Fokker Eindecker, premiers appareils dotés d’un système de synchronisation du tir à travers l’hélice.
Le constructeur Société Anonyme des Établissements Nieuport, dirigé par Gustave Delage, adapte alors le Nieuport 10, un biplace issu d’un projet de course, pour en tirer un chasseur léger monoplace. Le Bebe est conçu en seulement quatre mois à partir de 1915.
Sa mise en service répond à une nécessité tactique : fournir rapidement aux Alliés un appareil capable d’intercepter, de reconnaître et de combattre en vol les avions allemands. L’appareil est livré aux escadrilles françaises mais aussi aux forces italiennes, belges, britanniques et russes.
Le Nieuport 11 s’illustre dès le printemps 1916, notamment pendant la bataille de Verdun. Il contribue à mettre fin à ce que la presse militaire appelait alors le « Fokker Scourge ». L’avion s’impose alors comme une solution rapide et efficace avant l’arrivée de modèles plus perfectionnés.
En parallèle, plusieurs pays obtiennent une licence de production, comme l’Italie qui construit 646 exemplaires, ou la Russie. Certaines unités seront produites localement en Espagne et aux Pays-Bas.
Le design du Nieuport 11 (Bebe)
Le Nieuport 11 repose sur une configuration sesquiplan, c’est-à-dire un biplan dont l’aile inférieure est plus étroite que l’aile supérieure. Ce choix technique permet d’alléger la structure sans trop nuire à la portance. La cellule utilise des entretoises en V renforcées par des câbles de tension, une technique classique pour l’époque.
Le fuselage est réalisé en bois et toile, monté sur une structure tubulaire légère. L’avion est équipé d’un train d’atterrissage fixe à deux roues avec patin arrière. La cabine ouverte est positionnée derrière le bord d’attaque de l’aile supérieure.
L’appareil est motorisé par un rotatif Le Rhône 9C à 9 cylindres, refroidi par air, développant 80 chevaux (environ 59 kW). Il entraîne une hélice bipale en bois.
L’armement consiste en une mitrailleuse Lewis de 7,7 mm (.303 British) montée au-dessus de l’aile supérieure. Cette position, dictée par l’absence de système de synchronisation efficace côté allié, rend les rechargements complexes en vol, obligeant souvent le pilote à se redresser ou à lâcher les commandes.
En version chasse-ballons, l’appareil pouvait emporter jusqu’à huit roquettes Le Prieur, montées le long des entretoises de voilure. Ces roquettes non guidées étaient destinées à l’attaque de dirigeables et ballons captifs.
Les dimensions de l’avion :
- Envergure : 7,5 m
- Longueur : 5,8 m
- Hauteur : 2,4 m
- Surface alaire : environ 13 m²
- Poids à vide : 320 kg
- Poids maximal au décollage : 480 kg
Les performances du Nieuport 11 (Bebe)
Le Nieuport 11 (Bebe) atteint une vitesse maximale de 156 km/h à altitude moyenne. Son autonomie est de 2 heures de vol, soit environ 300 km à régime économique. Sa vitesse ascensionnelle est l’un de ses meilleurs atouts : il monte à 3 000 mètres en 10 minutes, ce qui lui permet de rapidement intercepter les avions ennemis.
L’usage d’ailerons sur l’aile supérieure, à la place du gauchi d’aile utilisé sur les monoplans allemands, rendait l’appareil plus réactif et plus précis dans ses mouvements latéraux. Ce facteur explique en partie sa supériorité en manœuvrabilité face aux Fokker E.I et E.II.
Cependant, le Nieuport 11 présente des limites :
- La cellule peut fléchir dangereusement en piqué, notamment du fait de la faible rigidité de l’aile inférieure.
- La mitrailleuse non synchronisée oblige à interrompre le vol pour recharger.
- Le moteur Le Rhône, bien que fiable, perd en performance au-delà de 3 000 mètres.
Malgré cela, son agilité, son coût modéré et sa maintenance simplifiée en font un outil opérationnel efficace en 1916. Il fut produit à plus de 7 200 unités, chiffre élevé pour l’époque.

Les missions du Nieuport 11 (Bebe) au combat
Le Nieuport 11 est déployé dès janvier 1916 dans les escadrilles de chasse françaises et alliées. Il opère en chasse libre, en protection de reconnaissance, et dans l’interception des avions ennemis. Il est notamment actif dans :
- La bataille de Verdun (février-décembre 1916) : utilisé pour interdire l’espace aérien aux reconnaissances allemandes et aux bombardiers. Il inflige des pertes importantes aux Fokker Eindecker.
- Le front italien : l’Italie utilise des escadrilles mixtes composées de Nieuport 11 et de SPAD pour la défense des vallées alpines.
- Les fronts de l’Est : les forces russes, malgré des problèmes logistiques, utilisent le Bebe pour des missions similaires, avec un taux de rotation élevé.
L’appareil est utilisé aussi pour attaquer des ballons d’observation, cible prioritaire sur les lignes ennemies. Le montage de roquettes Le Prieur permet quelques succès, même si la précision reste aléatoire.
Plusieurs as ont marqué leur carrière avec le Nieuport 11, parmi lesquels :
- Charles Nungesser (France)
- Jean Navarre (France)
- Francesco Baracca (Italie)
- Albert Ball (Royaume-Uni)
- Billy Bishop (Canada)
Le remplacement du Nieuport 11 (Bebe)
Dès la fin de l’année 1916, le Nieuport 17, dérivé direct du Bebe, est mis en service. Il embarque un moteur plus puissant, une cellule renforcée et un armement mieux intégré. Le Nieuport 11 est alors progressivement retiré du front.
En été 1917, les derniers exemplaires en première ligne sont relégués à l’entraînement ou aux missions secondaires. L’Italie est l’un des derniers pays à maintenir des escadrilles actives de Nieuport 11.
Malgré sa courte durée d’engagement, le Nieuport 11 a marqué une transition importante dans la doctrine de chasse aérienne. Il a montré l’intérêt d’un avion léger, rapide et simple à produire, dans une guerre où le facteur aérien devenait décisif.
Retour sur la section WARBIRDS.